mardi 13 février 2018

Dernière étude sur la Pollution dans la Région autour de FOS sur Mer

Dernière étude sur la Pollution 
dans la Région autour de FOS sur Mer



Pollution
Fos n’est vraiment pas dans son assiette
Présentée hier soir au grand public, une nouvelle étude relève des traces de polluants dangereux dans la chaîne alimentaire. Ils imprégneraient plusieurs produits AOP du territoire. Malaise
"Il est probable que manger une seule fois de ces produits n’aura aucun impact sur la santé des consommateurs", admet, à l’Institut éco citoyen pour la connaissance des pollutions, à Fos, Julien Dron, chimiste de l’environnement. Mais au-delà ? "Il faut qu’on nous dise si réellement on est en danger en vivant à Fos ou pas", a tranché hier sans ambages René Raimondi, le maire sans étiquette de cette commune dont l’industrie a fait la fortune.
C’est bien aussi ce qu’aimeraient savoir Daniel Moutet et des centaines d’habitants du territoire : mais depuis 2016, c’est en vain que l’emblématique président de l’ADPLGF tape aux portes des pouvoirs publics (préfet, Agence régionale de santé, Anses, ministères de la Santé, de l’Environnement), son étude en main. L’État a d’ailleurs refusé d’en financer la poursuite. Lanceuse d’alerte, l’association de Daniel l’avait jusqu’ici payée sur ses fonds, grâce au legs d’un couple de Miramas, dont le petit garçon était décédé d’un cancer…
La pollution de la zone industrialo- portuaire, ignorée durant des décennies, fait cependant depuis quelques mois les gros titres : des études, toutes inquiétantes, sont en effet venues documenter l’imprégnation de la population de Fos et de ses environs aux émissions de polluants. En février 2017, l’enquête Epséal, financée par l’Anses, mettait ainsi en évidence une prévalence des cancers (à Fos, 14,5% des femmes sondées en souffraient, contre
5,4% en France) ou du diabète (12,9% contre 6%, moyenne nationale).
En janvier dernier, l’Agence régionale de santé Paca et la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dréal) présentaient l’étude Scenarii, pointant, autour de l’étang de Berre, "une surmortalité pour toute cause de décès de 2,3% chez les hommes et les femmes", et de "4% pour les cancers". En mai prochain, ce sera à l’Institut éco citoyen de livrer le résultat de son enquête Index : depuis près de deux ans, il recherche 50polluants (benzène, hydrocarbures, dioxines, métaux lourds) dans le sang et les urines de quelque 200 volontaires à Fos, Saint-Martin de Crau et Mouriès. "Les résultats sont évidemment probants", promettait hier Véronique Granier, chargé de communication de la structure.
Fin 2018, l’ARS publiera aussi les très attendus résultats de l’Observatoire des cancers du rein, de la vessie et des leucémies aiguës dans le département des Bouches-du-Rhône. "Tout cela forme un faisceau d’indices de plus en plus important qui doit être pris en compte, juge Véronique Granier. Car si quelque chose peut sauver Fos, c ’ e s t bien cette   p r i s e de conscience." À l’Institut éco citoyen, on plaide ainsi depuis des années pour qu’une réglementation encadre enfin le rejet de particules ultrafines (Puf).
Si les industriels de la zone se targuent d’avoir réduit, en dix ans, les "rejets des principaux polluants de 50 à 70%", un rapport daté de l’automne 2017 relève des "concentrations de benzène anormalement élevées, jusqu’à dix fois leur valeur limite" en provenance, depuis 2016, de l’usine ArcelorMittal. Le préfet des Bouches-du-Rhône lui a donné de six mois à un an pour se mettre en conformité.
L’ÉTAT NUANCE LES RÉSULTATS OBTENUS.
La Direction générale de l’alimentation, auprès de qui l’association de Daniel Moutet avait sollicité un financement, a considéré que "le petit nombre d’échantillons" prélevés constituait un "biais" ne permettant "pas une comparaison avec des moyennes nationales", réalisées à partir de ses propres campagnes de mesures, portant, elles, sur "plus de 1000échantillons". Elle a aussi jugé que les périodes comparées n’étaient "pas superposables".
De son côté, la Direction départementale de la protection des populations nous indique qu’elle a, en 2017, réalisé 45 prélèvements sur des ovins, des bovins, du miel et des poissons du territoire et qu’aucun ne dépassait les valeurs admises pour les métaux lourds, les PPCB, dioxines, pesticides, etc...
Dans l’anse de Carteau, K.-O. debout…
L’endroit est surprenant, presque hors du temps. Nous sommes dans l’anse de Carteau, sur ce bout de Camargue, au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône. Une terre sauvage avec un décor atypique, après le canal
Saint-Louis, calée entre la mer et le Rhône, entre flamants roses et petites cabanes de pêcheurs. Haut-lieu méditerranéen de production de coquillages, au travers de 105parcs à moules, avec sa fameuse perle de Carteau ; une produc t ion de 1500tonnes chaque année. Le mistral décorne. Il fait souffler un vent de colère. Celui que tente de contenir Paul Scotti, patron pêcheur, vice-président de la coopérative Aquacole de Port-Saint-Louis (Coopaport), qui fait partie des 36 conchyliculteurs travaillant sur la zone.
"On nous envoie au pilori"
En entrant dans les "Viviers de Carteau", une des exploitations où est choyée cette fameuse moule de Carteau, il est là "K.O. debout", les premières indiscrétions, par voie de presse, dans les mains de l’étude pointant "une présence de dioxines supérieure à la moyenne nationale pour les moules".
"On nous envoie au pilori, s’inquiète-t-il. Pour nous, c’est une bombe, une catastrophe.
On apprend ça comme ça, sans aucune concertation avec les professionnels.
On accuse, met en cause notre filière mais on ne sait rien. Quels ont été les protocoles ?
Quelles sont les analyses ?
 On a de cesse à garantir nos produits. C’est 50% de notre chiffre d’affaires qui est déjà mort. Mais on ne va pas en rester là." L’uppercut est rude pour ces mytiliculteurs qui ont su se faire un nom et qui se sont même diversifiés depuis deux ans dans la production d’huîtres, autorisée depuis octobre 2015.
Les spécialistes vous le diront, la moule de Carteau est une perle à déguster avec ce goût unique. Plus grosse que sa cousine bretonne, charnue et goûteuse, un zeste iodée, elle bénéficie de conditions optimums pour la pousse. Paul Scotti en parle avec amour racontant comment "ces petites moules ou naissains suspendus à des filières ("les chaussettes" dans le jargon), à environ 5 mètres sous le niveau de la mer, sont élevées dans ces criques avec un mélange subtil d’eau douce du Rhône qui rencontre les flots salés de la Méditerranée".
"Ces élevages datent de 1982. Les contrôles sanitaires y sont extrêmement stricts avec des analyses diligentées par l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, NDLR). Ils sont de deux ordres entre "Remi" pour le contrôle microbiologique et "Rephy" pour une surveillance du phytoplancton et des phycotoxines, résume notre éleveur. Si on suit cette étude, les autorisations de la DDTM
(Direction départementale des territoires et de la mer), les services vétérinaires et l’avis des producteurs ne comptent pas ? On voudrait nous faire passer pour des illuminés ?"

RÉUNIONPUBLIQUE
L’étude qui fait l’effet d’une bombe
"Aujourd’hui, on se sent seul et isolé. L’État ne fait rien malgré nos sollicitations." Daniel Moutet, président de l’Association de défense et de protection du littoral du Golfe de Fos (ADPLGF) savait qu’il avait une bombe entre les mains : le rapport de la campagne d’analyses sur des produits alimentaires du pourtour du Golfe de Fos.
Quelques pages qui lui brûlent les doigts depuis 2016. Et pour cause. Ces quelques pages démontrent que les seuils de polluants, pour certains produits, ont été dépassés et que pour d’autres, ce sont les moyennes et parfois les maximales nationales qui sont dépassées (lire ci-contre). "Dès 2016, nous avons informé les ministères de la Santé, de l’Environnement et de l’Agriculture de ces résultats mais rien n’a bougé, dénonce le président. Voilà pourquoi nous les rendons publics aujourd’hui."
Daniel Moutet n’entend pas, pour autant, incriminer les producteurs locaux "qui eux aussi sont victimes de cette pollution". C’est à une prise de conscience collective qu’appelle l’ADPLGF en employant les grands moyens. Après l’étude, la justice (lire également ci-dessous). Une réunion publique était organisée hier soir (12/02/2018) au centre culturel Marcel Pagnol, à Fos, pour informer la population. Les habitants, et pas seulement de Fos, sont venus nombreux écouter Philippe Chamaret, le directeur de l’Institut éco citoyen, livrer les résultats, mais aussi Yolaine Ferrier, l’une de celles qui a mené la précédente étude de données participative sur la santé, Fos Epséal.
"Je suis habitant de Port de Bouc, est intervenu un monsieur dans l’assistance. J’ai deux petits-enfants sous Ventoline, je vais porter plainte et inciter les gens autour de moi à faire pareil." "Le silence de l’État est la preuve qu’il est complice des grands groupes qu’il laisse générer de gros profits tout en économisant
sur notre santé", estimait ce Miramasséen. "J’ai été horrifié par ce que j’ai découvert dans ma salle d’attente, il y a 15 ans, intervenait un médecin de Port-Saint-Louis. Je suis fier d’être des vôtres et de la pertinence de vos actions et je peux vous dire qu’avec ce que je vois dans ma salle d’attente, vous êtes en dessous de la vérité. Ce moment était prévisible, vous êtes dans le sens de l’Histoire", lançait-il a "une population courageuse".
Le moment le plus fort, le plus émouvant fut sans doute celui de l’intervention de Rébecca, la maman miramasséenne du petit Terry. Des sanglots dans la voix et tournée vers la salle, elle a expliqué que son petit garçon avait déclaré un cancer à 6 mois et qu’il en est mort 3 ans plus tard. Elle avait fondé une association, Terry le Petit Ange, pour recueillir des fonds. Quand Terry est parti et que l’association a été dissoute, elle a
fait don de l’argent récolté. 20 000 sont allés au don de sang à Miramas, 53000¤ à l’association du malade hospitalisé, à Anger, et la même somme à l’ADPLGF "car je voulais une association qui agisse en amont de la maladie. Daniel Moutet m’avait dit qu’il s’en servirait pour ces analyses." Et de souhaiter un "front uni" face à ce nouveau combat.

LES RÉSULTATS.
L’étude révèle "une présence généralisée des dioxines au sein des produits d’origine locale". Les échantillons de bovins, de fromages de chèvre, d’œufs, de foin de Crau et de moules contiennent des dioxines à des teneurs supérieures (taureau, œufs) ou égales aux moyennes nationales.
Deux échantillons de bovins ont dépassé les seuils réglementaires, tout comme pour les œufs. La présence de PCB à des teneurs supérieures aux moyennes nationales est observée pour les moules, les poissons, les œufs et les bovins. Pour ces derniers, là encore, des mesures dépassent les valeurs maximales nationales. Enfin, "le plomb et le cadmium sont présents dans le milieu marin à des teneurs importantes, parfois supérieures aux concentrations nationales maximales". L’étude en révèle la présence dans tous les échantillons en 2015. Très souvent, les teneurs mesurées par les services de l’État sont moindres.

DANS LES AUTRES FILIÈRES
La surprise et la stupeur
Déjà remontés du côté d’Arles, hier matin, contre la politique agricole française pour dénoncer une agriculture qui "recule" à l’appel de la FDSEA, la Fédération ovine des Bouches-du-Rhône et l’association Bovin 13 oscillaient entre "stupeur" et "surprise" lorsque l’on leur apprenait les prémices de cette étude mettant en cause sept produits certifiés AOC. Même son de cloche du côté de Jean-Pierre Lombrage, président du syndicat
Interprofessionnel huile et olives AOP de la Vallée des Baux, "pas au courant". Tous regrettaient la méthode de ne pas avoir été ni informés, ni consultés. "Ce sont de surprenants lanceurs d’alerte quand j’entends que les analyses ont commencé depuis 2009. Et on attend aujourd’hui pour les rendre publiques ?"
Dans ce contexte, Magali Saumade, qui préside l’AOP Taureaux de Camargue, ne voulait pas "prendre pour argent comptant cette étude en attendant d’avoir tous les éléments pour savoir dans quelle condition et sous quelle présence cette étude avait été menée". "Nous subissions déjà un gros lobbying anti-viande, ajoute-t-elle. Ça peut évidemment porter atteinte sur l’ensemble de la filière. Avant de me positionner, j’attends de savoir quels ont été les prélèvements. Je suis quand même très étonnée dans une filière très contrôlée."

JUSTICE
Une plainte contre X pour "mise en danger de la vie d’autrui"
Trois avocats de Martigues, Marseille et Paris ont été mandatés pour déposer au nom de l’association une plainte contre X pour "mise en danger de la vie d’autrui". "Il est difficile d’établir la relation de cause à effet entre les polluants et les types de maladies, note Sarah Games, avocate martégale. Il s’agit avant tout d’alerter l’opinion publique, mais nous espérons que l’instruction permette au Parquet de dégager, ensuite, des responsabilités." Des plaintes individuelles devant le TGI d’Aix pour "troubles anormaux du voisinage", seront également déposées. Julie Andreu, avocate marseillaise, précise qu’il s’agit d’obtenir "une reconnaissance du milieu de vie mais aussi et surtout d’enjoindre les sites industriels à revenir dans les normes". Plus que cela encore, c’est "la diminution des normes", que souhaitent Daniel Moutet mais aussi le maire de Fos, René Raimondi, "car jamais l’État ne tient compte du cumul de ces rejets" qui, même lorsqu’ils respectent les seuils, forment un cocktail de polluants préjudiciables aux riverains.

"Une véritable étude épidémiologique"
René Raimondi a ainsi rappelé qu’ArcelorMittal a dépassé pendant deux ans les rejets de benzène. "Ce que nous réclamons depuis 2004, a redit le maire, c’est une véritable étude épidémiologique scientifique." Sur la posture parfois mal aisée d’un maire dans un bassin pourvoyeur de tant d’emplois, il y a longtemps que René Raimondi s’est positionné du côté de la santé de ses administrés dont, il le sait, beaucoup sont salariés des usines visées. "Nous ne sommes plus dans l’époque où on était mineur et on savait qu’à 50 ans on ne serait plus là. Ça, ce n’est plus acceptable." Et d’évoquer son cas personnel : "Le maire, c’est d’abord un papa qui se demande s’il n’a pas fait une bêtise de continuer à vivre à Fos."
Pointant l’Agence régionale de santé (ARS), "elle nous doit de prendre ses responsabilités", René Raimondi estimait "bien dommage que ce soir encore il n’y ait qu’un maire présent (Nicole Joulia, première adjointe du maire d’Istres, NDLR). La pollution ne s’arrête pas à Fos et je m’étonne du silence de mes voisins. L’omerta est autour de nous mais nous, nous voulons savoir !" Des formulaires ont été distribués, hier soir, aux personnes présentes à la réunion publique et souhaitant se pourvoir ainsi devant le TGI. Interrogé sur la possibilité d’une action de groupe, Me François Lafforgue, avocat parisien, l’estime limitée vu le peu de cas précédents. "En revanche, l’action individuelle permet de viser l’ensemble des industriels." Daniel Moutet a assuré que les frais d’avocats seront pris en charge par l’association. "D’autres associations, organisations syndicales,
CHSCT, peuvent se joindre à la plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui, soulignait Me Andreu. Vous êtes exposés pour certaines pathologies, pour des troubles de l’anxiété et avez subi des préjudices corporels, moraux, matériels.
Aujourd’hui il va falloir faire un choix, agir ou laisser faire." À Fos, visiblement, le choix est fait

L’ÉTUDE
7 denrées à la loupe
SEPT PRODUITS AOP
Venus de l’ensemble du territoire de l’ouest de la Provence jouxtant la zone industrialo-portuaire de Fos, entre la Crau, les Alpilles et Port Saint- Louis-du-Rhône, les échantillons concernent : le taureau de Camargue élevé dans les Alpilles ; le mouton de Crau élevé à moins de 20kilomètres de Fos ; les fromages de chèvre produits à proximité des Alpilles ; les œufs de poules élevées en plein air près des Alpilles. Les poissons viennent du golfe de Fos, les moules de Carteau de Port Saint-Louis-du- Rhône. Enfin, ont aussi été prélevés de l’huile d’olive produite près des Alpilles et du foin de la Crau, à Fos. Les prélèvements ont été effectués par l’Association de défense du Golfe de Fos et les données interprétées par l’Institut éco citoyen de Fos-sur-Mer.
L’ANALYSE
De un à deux échantillons ont été acheminés, en glacières spéciales, et analysés chaque année, entre 2009 et 2015, par deux laboratoires spécialisés dans l’alimentaire : Carso, à Lyon, et Wessling, à Saint-Quentin Fallavier, dans l’Isère. Les mêmes protocoles que ceux utilisés dans toute la France, selon les normes en vigueur, ont été appliqués.
LES POLLUANTS CHERCHÉS
Les dioxines, furanes, les métaux lourds (arsenic, plomb, cadmium, zinc, etc.), les dibenzodioxines (PCDD), les dibenzofuranes poly chlorés (PCDF, PCB type dioxine) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Plages des Laurons