MARTIGUES STATUE DE
BOURVIL ET FERNANDEL
Au tribunal, le mauvais
film
d’un appel d’offre
TRIBUNAL
Le sculpteur de la scène
tirée du film "La Cuisine au beurre"
avait-il bénéficié de favoritisme des deux
ex-adjoints au maire jugés hier?
Bourvil et Fernandel ont dû plusieurs fois se retourner dans
leur tombe. Des années
après
la bouillabaisse devenue sole normande, source de leur querelle dans La Cuisine au
beurre, un tout autre imbroglio touche
ces deux monstres sacrés du cinéma.
Au menu de cette prise de bec, une statue
de bronze représentant les acteurs, debout, avec trois chaises à disposition
des badauds, quai Aristide-Briand, dans le quartier de l’Ile. Une scène
emblématique du film de Gilles Grangier, représentant
surtout
un pan d’histoire de la ville, puisque le tournage avait eu lieu à Martigues,
en 1963.
La
question du sourcing
Inaugurée
en février 2020, elle avait été commandée à Sébastien Langloÿs, déjà auteur
d’une autre sculpture martégale, Le Pêcheur et la ramendeuse, installée à Ferrières.
Le nœud du souci repose sur l’appel
d’offres lancé le 9mai 2019 et surtout la mise en
concurrence
des candidats. Seuls trois prétendants avaient été sélectionnés. L’un, hors budget,
avait d’emblée été écarté, tout comme le deuxième. Celui- ci avait appris par
Alain Salducci, adjoint au Tourisme à l’époque, que ses "visages manquaient de réalisme".
Restait ainsi Sébastien Langloÿs. Sauf que
l’artisan mis au ban avait aussi été averti par son fondeur, un mois après l’appel
d’offres, que Sébastien Langloÿs
allait "probablement remporter le
marché".
Il s’était d’ailleurs "déjà
présenté à lui pour lui demander un devis", dès fin 2018.
L’accusant de favoritisme, le sculpteur
déchu avait ainsi porté cette information auprès du parquet. En possession de
suffisamment d’éléments, il avait décidé de poursuivre les deux anciens adjoints
de Gaby Charroux, Alain Salducci et Patrick Cravero (commande publique), pour "atteinte à la liberté
d’accès où à l’égalité des candidats
dans les marchés publics".
Jugés hier à Aix, avec comme question
centrale le sourcing légal ou non, les deux anciens élus ont pu répondre de
leurs actes.
Retrouver
les familles et une œuvre à 75000 €
Pour sa défense, Alain Salducci s’est
embarqué dans l’historique du projet, épluchant une à une les différentes
phases.
En 2010, lors de l’inauguration de la
sculpture du Pêcheur
et de la ramendeuse par l’ancien maire Paul
Lombard, celui-ci avait promis qu’à l’avenir, une sculpture représentant
Bourvil et Fernandel dans La Cuisine au beurre verrait le jour. En 2013,
Paul
Lombard, après avoir démissionné, se retrouve simple conseiller municipal avec,
jamais loin de lui, son fidèle ami, Alain Salducci.
Un matin, Sébastien Langloÿs passe en
mairie lui remettre une miniature du Pêcheur et de la ramendeuse, tout en déclarant s’intéresser au projet de Bourvil et Fernandel. Aussi lui
confie-t - il avoir les contacts pour remonter jusqu’aux familles et obtenir
les droits à l’image.
Gaby Charroux, devenu maire, écarte tout d’abord
le projet avant de le faire revenir sur le devant de la scène. Il confie le
dossier à Alain Salducci en 2016 en lui posant
deux
conditions: obtenir l’accord des héritiers et un budget
qui ne
dépasserait pas 100000 €
Mais retrouver les héritiers n’est pas
chose facile. Il fait chou blanc.
C’est alors qu’il se souvient de Sébastien
Langloÿs et de son passage
en
mairie. Il le recontacte. Ils parviennent tant bien que mal à obtenir les
signatures des
familles
de Bourvil puis de Fernandel. L’artisan lui donne également une fourchette de
prix, autour de 75 000 ¤. À ce moment, le marché n’est pas encore lancé. C’est donc sur ces points
que son avocat Me Neiller a appuyé hier sa plaidoirie avant de demander la
relaxe.
Pour le ministère public en revanche, "il y avait bien
copinage et un appel d’offres
avantagé", évoquant
des échanges de mails entre l’artisan et Alain Salducci où l’on "s’appelle par les
prénoms et où l’on se tutoie. Le mail donne clairement des éléments
de la
scène. Le sculpteur prévient les héritiers qu’il entend remporter l ’ offre , b
i en avant l e
9 mai
2019. Il avait déjà plusieurs maquettes en tête. Ces échanges sont illégaux au
regard
du code
de la commande publique".
La procureure Vergez demande 4 000 ¤ d’amende et 3 ans
d’inéligibilité à l’encontre de Patrick Cravero,3 mois de sursis, 10 000 € d’amende et 5 ans
d’inéligibilité
pour Alain Salducci.
Délibéré
le 7 juin.
Bettina MAITROT
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