lundi 3 juillet 2023

Reportage










Une interpellation sur la place Sadi-Carnot, vendredi.

PHOTO G. BADER

 Marseille

Reportage du côté des forces de l'ordre à Marseille face aux émeutiers

 "en surnombre"

"Tant qu'ils n'auront pas tout vidé, ils n'arrêteront pas. Tout Marseille va se trimballer avec des baskets neuves et à Noël les minots auront des cadeaux par milliers..." ironise un haut gradé. Un autre livre un sentiment défaitiste : "Ils sont en surnombre, ils agissent par assauts ultra-violents, c'est ingérable." Une différence de force de frappe qui donne, sur le terrain, l'impression d'un dispositif policier peu impactant et même un sentiment d'ambiance open bar sur les vidéos de pillages qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux.

"Et pourtant, au vu de ce qui se passe partout en France, on est au maximum de ce qu'on peut mettre sur le terrain. Mais clairement on est noyé, on n'a jamais vu ça à Marseille", atteste Rudy Manna, porte-parole du syndicat Alliance. "Même si tous les collègues ont été décalés en soirée, ces minots sont hyper mobiles et contrairement à ce qui doit se passer dans un maintien de l'ordre classique, ce sont eux qui nous baladent", surenchérit Bruno Bartocetti, d'unité SGP-FO. "Et puis il y a des groupes qui nous fixent, en nous balançant des pluies de projectiles, pendant que d'autres se servent pénards dans les commerces", peste un commissaire.

"Certains nous fixent, les autres se servent"

D'autant que les pillards usent de Snapchat pour signaler le positionnement des forces de l'ordre, ce qui leur offre un coup d'avance. Annonçant pour le 3e round d'hier soir, le doublement des forces en CRS, l'arrivée du GIGN en plus du Raid déjà mobilisé depuis trois jours, et un hélico supplémentaire ainsi que des blindés de la gendarmerie, la préfète de police assure à La Provence : "On a eu une estimation de 3 000 émeutiers vendredi. On est sur un schéma avec comme instruction la mobilité, la réactivité avec une autonomie de décision s'il se passe quelque chose et la visibilité surtout au début pour dissuader." Certains policiers pestent aussi contre des instructions de relâcher certains interpellés. "On en a arrêté 95 vendredi soir, mais on ne fait pas les receleurs, ceux qui se servent par opportunisme, sinon on devrait en serrer 300 et on saturerait le palais de justice", précise un haut gradé. Quand bien même le tribunal a doublé le nombre de juges des libertés et de la détention et ceux des enfants pour absorber le choc. Frédérique Camilleri souligne aussi "le grand sang-froid des effectifs puisqu'il y a eu aucun blessé sérieux chez les manifestants alors qu'après le casse d'une armurerie, on a pris arme au poing..."

En plus des forces mobiles, l'État-major a constitué des "compagnies de marche" avec des effectifs de voie publique (dont le métier n'est absolument pas l'ordre public) pour tenter de multiplier les interpellations. "Pour autant, on n'est pas assez mobiles, pour déplacer une CRS il faut une demi-heure, pareil pour la désengager, pilonne un flic chevronné, et puis on devrait les empêcher, en amont, d'atteindre ces zones commerciales au lieu de les laisser arriver et de jouer au jeu du chat et de la souris pendant des heures. Le problème c'est que j'ai l'impression que le pillage a été intégré comme un moindre mal et qu'on attend la fin de la soirée pour tirer le bilan, avec quelques rappels à la loi pour la poignée qu'on a arrêtée". Un autre gradé pointe du doigt "le côté surréaliste de voir des gens boire des coups tranquilles pendant qu'on fait la guerre ! Le couvre-feu n'aurait sans doute aucun effet sur les émeutiers mais en tout cas ça aurait le mérite de faire sortir du dispositif les gens honnêtes..."

Du côté de la Ville, Yannick Ohanessian, adjoint PS à la sécurité, appuie sur le triplement des effectifs du Centre de supervision urbain (CSU) pour aider les forces de l'ordre et peste contre ces exactions : "Les jeunes se sont lancés dans une compétition entre villes sur les réseaux sociaux mais ce jeu ne fait rire personne. On a même vu des parents venir, ouvrir le coffre et se servir, non mais on est où là ?"

 


 

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