Une interpellation sur la place Sadi-Carnot, vendredi.
PHOTO G. BADER
Marseille
Reportage du côté des forces de l'ordre à Marseille
face aux émeutiers
"en
surnombre"
"Tant qu'ils n'auront pas tout vidé, ils n'arrêteront
pas. Tout Marseille va se trimballer avec des baskets neuves et à Noël les
minots auront des cadeaux par milliers..."
ironise un haut gradé. Un autre livre un sentiment défaitiste : "Ils
sont en surnombre, ils agissent par assauts ultra-violents, c'est ingérable."
Une différence de force de frappe qui donne, sur le terrain, l'impression d'un
dispositif policier peu impactant et même un sentiment d'ambiance open
bar sur les vidéos de pillages qui tournent en boucle sur les réseaux
sociaux.
"Et pourtant, au vu de ce qui se passe partout
en France, on est au maximum de ce qu'on peut mettre sur le
terrain. Mais clairement on est noyé, on n'a jamais vu ça à Marseille",
atteste Rudy Manna, porte-parole du syndicat Alliance. "Même si tous
les collègues ont été décalés en soirée, ces minots sont hyper mobiles et
contrairement à ce qui doit se passer dans un maintien de l'ordre classique, ce
sont eux qui nous baladent", surenchérit Bruno Bartocetti, d'unité
SGP-FO. "Et puis il y a des groupes qui nous fixent, en nous balançant
des pluies de projectiles, pendant que d'autres se servent pénards dans les
commerces", peste un commissaire.
"Certains
nous fixent, les autres se servent"
D'autant que les pillards usent de Snapchat pour
signaler le positionnement des forces de l'ordre, ce qui leur offre un coup
d'avance. Annonçant pour le 3e round d'hier soir, le doublement des forces en
CRS, l'arrivée du GIGN en plus du Raid déjà mobilisé depuis trois jours, et un
hélico supplémentaire ainsi que des blindés de la gendarmerie, la préfète de
police assure à La Provence : "On a eu une estimation
de 3 000 émeutiers vendredi. On est sur un schéma avec comme instruction la
mobilité, la réactivité avec une autonomie de décision s'il se passe quelque
chose et la visibilité surtout au début pour dissuader." Certains
policiers pestent aussi contre des instructions de relâcher certains
interpellés. "On en a arrêté 95 vendredi soir, mais on ne fait pas les
receleurs, ceux qui se servent par opportunisme, sinon on devrait en serrer 300
et on saturerait le palais de justice", précise un haut gradé. Quand
bien même le tribunal a doublé le nombre de juges des libertés et de la
détention et ceux des enfants pour absorber le choc. Frédérique Camilleri
souligne aussi "le grand sang-froid des effectifs puisqu'il y a eu
aucun blessé sérieux chez les manifestants alors qu'après le casse d'une
armurerie, on a pris arme au poing..."
En plus des forces mobiles, l'État-major a constitué
des "compagnies de marche" avec des effectifs de voie publique (dont
le métier n'est absolument pas l'ordre public) pour tenter de multiplier les
interpellations. "Pour autant, on n'est pas assez mobiles, pour
déplacer une CRS il faut une demi-heure, pareil pour la désengager, pilonne
un flic chevronné, et puis on devrait les empêcher, en amont,
d'atteindre ces zones commerciales au lieu de les laisser arriver et de jouer
au jeu du chat et de la souris pendant des heures. Le problème c'est que j'ai
l'impression que le pillage a été intégré comme un moindre mal et qu'on attend
la fin de la soirée pour tirer le bilan, avec quelques rappels à la loi pour la
poignée qu'on a arrêtée". Un autre gradé pointe du doigt "le
côté surréaliste de voir des gens boire des coups tranquilles pendant qu'on
fait la guerre ! Le couvre-feu n'aurait sans doute aucun effet sur les
émeutiers mais en tout cas ça aurait le mérite de faire sortir du dispositif
les gens honnêtes..."
Du côté de la Ville, Yannick Ohanessian,
adjoint PS à la sécurité, appuie sur le triplement des effectifs du Centre de
supervision urbain (CSU) pour aider les forces de l'ordre et peste contre ces
exactions : "Les jeunes se sont lancés dans une compétition entre
villes sur les réseaux sociaux mais ce jeu ne fait rire personne. On a même vu
des parents venir, ouvrir le coffre et se servir, non mais on est où là ?"
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