William Tillet, premier
prud'homme des pêcheurs à Martigues :
"J'admire les jeunes
Qui veulent devenir
pêcheurs"
Seul
candidat en lice, William Tillet a été réélu premier prud'homme des pêcheurs. A
74 ans, celui qui occupe ce poste depuis 1999 porte un regard d'expert sur
l'évolution de la profession
Par Éric Goubert
Prud'homme
depuis 1993, premier prud'homme depuis 1999. Mais surtout pêcheur
d'oursins et de corail à Carro pendant 40 ans, scaphandrier dans le milieu
industriel pendant douze ans années. Une vie professionnelle passée en grande
partie sous l'eau ("C'est là que je suis le mieux"), mais aussi à la
barre de la prud'homie de pêche de Martigues, qui gère une zone s'étendant de
Sausset les Pins aux Saintes-Maries de la Mer, étang de Berre compris. Réélu
pour trois nouvelles années, William Tillet 74 ans, jette un œil d'expert
sur l'évolution de cette profession.
Avant, c'était mieux ?
C'était
surtout plus simple. On avait un administrateur des affaires maritimes en face
de la prud'homie de Martigues, le syndic des gens de mer qui regroupaient les
pêcheurs, on embarquait, on allait pêcher, on rentrait, et on voyait après.
Maintenant, c'est le contraire, il faut d'abord régler toutes les formalités
administratives avant de partir en mer. Et ces formalités, ce n'est pas rien.
L'Urssaf, le prélèvement à la source, pour un salaire qui n'est jamais le même,
les déclarations de capture... C'est tellement compliqué que des pêcheurs
abandonnent. Souvent, les plus anciens n'ont pas d'ordinateur, juste un
smartphone, et ils n'arrivent plus à suivre. Alors, ils arrêtent.
Oui, en
passant notamment par le centre de formation de la prud'homie, où j'assure les
cours. Et je le dis franchement : j'admire ces jeunes qui se lancent dans ce
métier, qui doivent connaître toute cette réglementation avant de partir en
mer. À chaque nouvelle session, un nouveau module apparaît...
Qu'est qui les motive
autant ?
La mer !
Même s'ils n'ont pas connu la liberté avec laquelle les anciens ont pu exercer,
c'est cette passion qui les anime. L'argent ? Ceux qui viennent en rêvant de
pêches miraculeuses, et de rentrées mirobolantes seront vite découragés dès les
premiers coups de moins bien. Parce qu'en étant pêcheur, on peut bien gagner sa
vie. Mais il faut apprendre à travailler, à être régulier. Les gros coups, une
fois de temps en temps, on prend bien sûr. Mais il faut aussi savoir faire le
dos rond après de mauvaises journées, où il fait froid, où le poisson n'est pas
là, où tu as quand même toujours tes frais et que l'argent ne rentrera pas. Ce
sont ces journées-là qui découragent ceux qui ne viennent que pour l'argent. En
plus, maintenant, quand tu rentres, même après une bonne journée, tu ne peux
pas te reposer tranquille chez toi ; il y a plein de papiers à faire ! Les
déclarations de capture, c'est quelque chose, avec un code à affubler à chaque
prise. Moi, quand j'exerçais encore mon activité de pêcheur d'oursin (j'ai pris
du recul aujourd'hui), il fallait cocher la case "Urx", et indiquer
les prises de son nom savant, "Paracentrotus lividus". Et c'est
pareil pour tout ce qu'on pêche.
La quantité de l'oursin de
la Côte bleue, justement, était en baisse ces dernières années. Quelle analyse
en faites vous ?
La baisse
est encore manifeste cette année. Ça fait trois ans de suite... Et je le dis
franchement : même avec trente ans d'expérience, je n'ai pas d'explication
scientifique sur le sujet. J'entends ceux qui évoquent les variations de
température, un courant qui aurait varié de quelques degrés... Ils sont moins
nombreux, ici mais aussi en Italie ou en Espagne. On ne peut qu'en faire le
constat.
Il y en a
toujours eu, il y en a encore... C'est comme pour les oursins, il y a des
bonnes journées, et des moins heureuses. Maintenant, là aussi, quand on en
ramène, il y a une paperasse terrible à remplir.
On a
quand même la chance d'avoir des espèces nobles, comme les loups et les
daurades, qui ont une valeur marchande indéniable, et d'autres espèces
appréciées des consommateurs. L'étang de Berre est aussi redevenu une belle
ressource : regardez les palourdes, même après la crise de l'été 2018,
elles reviennent bien.
Pas tant
que ça en fait. Bon, je me souviens bien d'un épisode, il y a longtemps,
lorsqu'un pêcheur avait mis un coup de poing en pleine réunion à
l'administrateur des affaires maritimes... Il avait pété un câble en entendant
ses directives. Là, il avait fallu sévir. La plupart du temps, ceux qui sont
mis en cause reconnaissent leurs torts, et ça se termine pas trop mal.
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