Martigues : cinéma école, le rêve hollywoodien
Mettre en place
un parcours cinéma jusqu'au postbac, un défi en marche à Provence Studios
Par Pascal Stella et Eric Goubert
Photo Serge
Guéroult
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Le recteur Bernard Beignier, en visite dans les décors
(ici une prison) de Provence studios, avec Olivier Marchetti, les élus et près
de 300 élèves du réseau Côte bleue. Une rencontre qui vise à promouvoir les
alliances possibles entre l'Education nationale et le fief du cinéma.
à un "nouveau" monde n'y pour les tournages jusqu'aux productions internationales.
Dans les pas de Bernard Beignier, recteur de
l'académie d'Aix-Marseille, des maires Gaby Charroux, Laurent Belsola ou Roland
Mouren notamment ouvrant le bal de la visite avant les élèves, tout un monde
éducatif subjugué. Là, le décor du tribunal qui a servi notamment au tournage
de la série de TF1, Une si longue nuit ; plus loin, la morgue,
la prison, avant d'en prendre plein les yeux avec ce fameux du studio
"fond vert" taille XXL, symbole d'un monde de tous les
possibles. "On est bluffé !" ; "On a la
chance d'avoir ça chez nous ", autant de "VIP" emballés
jusqu'à Gaby Charroux rappelant que l'"on est dans un rêve !"
Des décors plus vrais que nature, "tout
est en bois", raconte le guide Olivier Marchetti aux côtés de
Micke Ristorcelli, le directeur développement de Provence Studios, livrant les
petits secrets comme ces "magnifiques fenêtres à la française
avec... une simple plaque de contreplaqué", entre deux studios
verrouillés à double tours, comme les châteaux de Chambord qui ont servi au
tournage de Serpent Queen, la série américaine consacrée à
Catherine de Médicis, qui va revenir pour une saison 2 !
"C'est maintenant qu'il faut anticiper les besoins de demain"
Entre le studio "fond vert" et les décors de
tribunal de la série "La stagiaire" de Michèle Bernier, tout un monde
éducatif du réseau Côte bleue qui a présenté ses actions et échangé pour un
parcours cinéma.
Un monde en grand pour des jeunes au cœur de l'action
aussi. Près de 300 élèves et leurs représentants, "le centre
névralgique de notre réseau" dixit Lamia Abassi, main dans la
main avec Thierry Mattei, les coordinateurs du réseau Côte bleue, occupant tout
un espace au travers de plusieurs tables rondes et groupes de travail, hier, au
milieu des personnels de direction et des enseignants. Du premier et second
degré entre retour d'expérience inter-cycle sur le parcours d'enseignants, une
réflexion sur le décrochage scolaire aussi, entre autres conseil pédagogique.
"Échanger", "monter des projets" ; "mettre en
commun", "partager", les mots-clés hier au bout d'une journée où
"la tonalité sous-jacente est la mise en place d'un parcours cinéma de
la maternelle au post-baccalauréat", décrypte le réseau Cote
bleue. Le développement des tournages suppose des actions pédagogiques,
de l'éducatif et un renforcement des filières existantes avec toute une palette
de métiers très intéressants", glisse encore Lamia Abassi sur un territoire
qui a besoin de techniciens qualifiés notamment face au développement des
tournages.
Toute une structuration de la filière cinéma en somme
et des formations comme de nouvelles opportunités,"en contribuant à
donner de l'ambition aux élèves, dixit le recteur de l'Académie, "chef
d'orchestre" du monde éducatif, voulant surfer sur la vague (lire
ci-contre). "Faire de la jonction et de la liaison entre école, collège
et lycée ; avoir une vision de 3 ans à 25 ans, selon les
études, dira Bernard Beignier, convaincu de "beaucoup de
dynamisme". "On a des professeurs de l'Education
nationale qui sont des cadres A de la fonction publique, que nous devons
traiter comme tel avec leurs idées. C'est à nous de les entendre, de les
récolter aux côtés des élèves avec leur grain de folie. Quand on met en
synergie, on a de belles idées. Il faut travailler avec le territoire, avec les
chefs d'établissement, les forces vives de l'économie... Quand on se met
ensemble, on réussit à faire quelque chose qui a du sens et des projets en
commun". Comme un rêve hollywoodien entre le cinéma et l'école où
tout le monde peut être gagnant."C'est un vrai challenge de former les
jeunes, les attirer sur notre filière, commente Olivier
Marchetti. Avec le développement des tournages, il faut du monde en
face et c'est maintenant qu'il faut anticiper les besoins de demain".
Pour mettre la jeunesse du pays de Martigues et le réseau Côte bleue en haut de
l'affiche avec Provence Studios.
Et aussi Martigues : PPRT Lavéra, bientôt la facture...
"De belles choses à faire en travaillant
ensemble" (Bernard Beignier, recteur)
Que vous inspire cette visite au sein de Provence
Studios ?
Bernard Beignier : On découvre ici toute l’ampleur et un
savoir-faire avec la question du devenir et des débouchés autour du cinéma. Au
niveau de l’Education nationale, on a à investir dans ce domaine, probablement
créer des diplômes. On voit des jeunes qui sont formés chez nous, qui ont
tendance à partir aux États-Unis ou au Canada alors qu’il y a beaucoup à faire
ici. L’Education nationale doit travailler en lien étroit avec tous les
acteurs, les élus et les forces économiques du territoire.
Le pays de Martigues notamment est devenu un carrefour
incontournable des tournages, avec de nouveaux métiers en perspective. De
nouvelles passerelles entre le cinéma et l’Education nationale sont-elles à
l’étude ?
Nous avons déjà des filières dans la région académique. Il y a des discussions
et une réflexion pour voir avec la Région ce que l’on pourrait créer. Il y a
des coûts bien sûr mais l’investissement est toujours payant. En tant que
recteur, je suis partant. L’Education nationale est là pour fournir des
formations et permettre d’embrasser des métiers d’aujourd’hui et qui le seront
demain. Dans le plan "Marseille en grand", le président de la
République a déclaré vouloir développer l’industrie du cinéma. Il faut des
liens et l’Éducation nationale est là pour soutenir le développement de
l’économie, c’est une de ces missions avec l’école. Il a beaucoup de belles
choses à faire sur cette filière.
Ce rendez-vous avec 300 élèves à Provence Studios
est-ce le signe d’une vie qui reprend enfin dans des établissements scolaires
après de crise sanitaire et des épreuves qui ont été bouleversées pendant deux
ans ?
La vie n’a jamais cessé vraiment, c’est un retour à la vie normale disons.
L’Education nationale a tenu bon par la volonté du ministre (Jean-Michel Blanquer),
mais parce que les chefs de file, les cadres, les professeurs ont été présents
de manière admirable. Bien sûr tout n’a pas été parfait, avec des élèves qui se
sont sentis pas suffisamment entourés, il faut regarder la réalité en face. Le
verre est à moitié plein ou à moitié vide, mais il aurait pu être cassé ! On
n’est pas là pour juger les autres, mais la France s’en tire très bien.
"2022 sera une année charnière pour la filière cinéma et audiovisuel"
Florian Salazar-Martin, Olivier Marchetti et Micke
Ristorcelli, avec les nouvelles affiches illustrant le slogan "Martigues
c'est Hollywood".PHOTO E.G.
169 tournages accueillis en 2021, contre 129
l'année précédente, et un total de 682 depuis 2015, date du lancement
simultané de "Provence studios", entreprise privée, et du
développement de la filière cinéma et audiovisuel du Pays de Martigues,
structure publique. À lire ces quelques chiffres, le succès est indéniable, et
la hausse du nombre de tournages n'a d'égal que leur diversité : l'an dernier,
on comptabilisait 14 longs-métrages, 40 épisodes de séries télévisées, 37 clips
musicaux, 17 publicités, etc. De beaux succès, qui donnent raison à ceux
qui ont cru au développement de cette industrie il y a sept ans. "Ce
n'était pas évident, on a eu droit à quelques quolibets, se souvient
Florian Salazar-Martin, vice-président du pays de Martigues en charge du
développement économique. Mais notre méthode de travail a porté ses
fruits". Cette méthode, c'est "jouer collectif",
selon l'élu, ou "chasser en meute", comme le dit autrement
Olivier Marchetti, fondateur de Provence studios : "Nous voulons
jouer sur la complémentarité, pas sur la concurrence et développer un
écosystème qui réponde aux besoins des productions. D'où l'arrivée prochaine
d'une école "1 000 visages", d'où le besoin de techniciens
qualifiés, de formations... En fin d'année, nous avons raté quelques contrats
parce qu'il en manquait, justement. Il faut prendre conscience que le monde de
l'image, c'est d'abord de l'emploi, et des retombées économiques. Le tournage
de "Serpent Queen," série américaine, c'est 5M€ pour le
territoire !"
Alors qu'une nouvelle campagne de communication
s'annonce, avec des photos de tournages récents à Martigues, Port-de-Bouc et
Saint-Mitre, surmontant le slogan "Martigues c'est Hollywood",
l'année 2022 s'annonce cruciale. "On a déjà de beaux projets,
sur lesquels nous ne pouvons pas communiquer pour l'instant, indique
Olivier Marchetti, mais cette année, c'est clair : ça passe ou ça casse
!" Derrière ce challenge, le rôle prépondérant des plateformes de
streaming, comme Netflix, Amazon, Disney. "Je suis persuadé
que la concurrence se jouera sur la qualité des fictions proposées ; Ces
plateformes cherchent des studios pour tourner, et notre travail, c'est de
réunir tous nos atouts pour les convaincre de venir s'installer ici."
Et des atouts, il y en a : Provence studios propose 15 plateaux sur 22
hectares, un studio virtuel unique en son genre, une dimension écologique
affirmée ("Dernière nouveauté en date, des chèvres qui assurent notre
débroussaillement"), un projet d'extension du côté de Port-de-Bouc, et
des aides publiques, apportées par le Conseil de territoire, la Métropole et le
Conseil régional. "Et les productions, quel que soit leur budget, y
sont sensibles, reprend Florian Salazar-Martin. Il faut bien
comprendre que le cinéma est une industrie. Un tournage, c'est un peu comme un
grand arrêt dans la pétrochimie : il y a besoin de beaucoup de main-d’œuvre
qualifiée sur un certain laps de temps..." "Et ça se reproduit
souvent, ajoute Olivier Marchetti. C'est pourquoi nous avons besoin
de gens qualifiés. Heureusement, avec ceux qui travaillent sur "Plus belle
la vie", il y a ici un vivier".
Un vivier capable d'accueillir tous les
types de production, tous les réalisateurs. "On est sur la carte des
producteurs, conclut Olivier Marchetti, avec des qualités qui sont
désormais reconnues par l'ensemble de la profession."
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