Martigues :
"On va finir par le voler, le carburant !"
"OU SE LE FAIRE VOLER"
Alors que le gouvernement a promis une remise de 15
centimes en avril, l'essence reste hors de prix
De légers soubresauts commencent à se sentir. En Espagne,
une grève des transporteurs bloque le pays depuis le 14 mars. En France,
les taxis ont renoué avec les opérations escargots, après que quelques
nostalgiques des gilets jaunes ont tenté ces dernières semaines, sans grand
succès pour l'heure, de bloquer des stations-service. Où le diesel commence
parfois à se faire rare : suite à la reprise post-Covid et à la remise en route
mondiale des transports, la demande de gazole a bondi. Mais la production, elle,
reste en retard, sur fond de sanctions occidentales contre la Russie.
Le sentiment qui semble pourtant primer pour l'heure, c'est
la lassitude. "Les gilets jaunes ? Les
manifestations ? Entre le Covid et le prix de l'essence, la guerre aux infos,
j'ai plus la tête à ça", souffle un automobiliste à la station
Total de Caronte. À la pompe d'à côté, Malik fait son plein. Il habite à
Marseille mais travaille à Martigues, comme carreleur. Son patron ne prend pas
en charge ses frais de déplacements. Forcément, ça commence à coincer. "Je vais arrêter, j'en peux plus. On va finir par le
voler, le carburant, je comprends ceux qui s'y mettent. J'en ai pour 300 € par mois, on dirait que j'ai une Porsche !
Dites-leur, à l'État, qu'ils fassent quelque chose, ils ont dit qu'ils le
baisseraient, le prix, ils n’ont rien fait du tout."
L'État a en effet promis une ristourne de 15 centimes par
litre à la caisse, à partir du premier avril. La mesure est, évidemment,
largement critiquée parmi les candidats à la présidentielle. À droite, Chez
Valérie Pécresse comme chez Marine Le Pen, on trouve que la réduction n'est pas
assez importante, et on demande à l'État de rendre l'ensemble des taxes qu'il
prélève sur le carburant. À gauche, on trouve que la mesure tape à côté du
problème : Fabien Roussel comme Jean-Luc Mélenchon pointent la responsabilité
des géants de l'énergie qu'il s'agirait de mettre à contribution. Tous les
candidats d'opposition à Emmanuel Macron s'entendent néanmoins sur un point :
la mesure, même insuffisante, entrera en vigueur trop tard.
En effet, comme Malik, les professionnels sont de plus en
plus nombreux à connaître de lourdes difficultés. Philippe, qui fait son plein
à la station-service Esso de Croix-Sainte, est huissier de justice : "Je fais 3 000 km par mois, c'est pris en charge par
l'étude mais c'est un surcoût, je fais des économies sur d'autres choses, comme
les repas. Mais je m'en sors, mon secteur ne souffre pas trop, je ne suis pas à
plaindre." Contrairement à un de ses nouveaux clients. "Il a une entreprise de terrassement, avec 17
camions qui consomment 150 litres par jour chacun, et trois pelleteuses qui
boivent 300 litres par jour chacune. Donc ça ne va plus. Il avait signé ses
devis avant la crise. Maintenant il travaille à perte. Soit il arrive à
renégocier ses devis, soit il devra au moins licencier. Il va falloir trouver
d'autres modes de vivre et de travailler, moins gourmands en énergies fossiles.
Mais pour les professionnels et pour les particuliers qui vivent loin des
transports en commun, ce sera dur. On ne peut pas tout faire avec des
vélos. "
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