Science10/09/2022 17:47
Pollution :
La compréhension
Du cancer du poumon
Fait une avancée majeure Avec cette étude
Si la pollution de
l’air est soupçonnée de jouer un rôle dans les cancers du poumon, cette
nouvelle étude permet de comprendre comment.
WARODOM
CHANGYENCHAM / GETTY IMAGES
Image d’illustration montrant une radio des
poumons
SANTÉ –
Comme « un
tueur caché », des polluants de l’air peuvent provoquer des cancers du poumon chez des non-fumeurs
via un mécanisme dévoilé ce samedi 10 septembre dans une étude, qui marque
un « pas important pour la science -et la société » selon
des experts.
Déjà
en cause dans le dérèglement climatique, les particules fines
-moins de 2,5 microns, environ le diamètre d’un cheveu- seraient responsables
de modifications cancéreuses dans des cellules des voies respiratoires, selon
des scientifiques de l’institut Francis-Crick et de l’University Collège de Londres.
Présentes
dans les gaz d’échappement, la poussière des freins des véhicules ou les fumées de
combustibles fossiles, des particules fines sont « un
tueur caché », a déclaré à l’AFP Charles Swanton de l’institut
Francis-Crick, chargé d’exposer cette recherche, pas encore revue par des
pairs, au congrès annuel de la Société européenne d’oncologie médicale, qui a
lieu jusqu’au 13 septembre, à Paris.
Si
la pollution de l’air est depuis longtemps soupçonnée, « nous ne
savions pas vraiment si cette pollution causait directement le cancer du
poumon, ni comment », a expliqué le Pr Swanton.
Les
chercheurs ont d’abord exploré les données de plus de 460.000 habitants de
l’Angleterre, la Corée du Sud et Taiwan, et montré que l’exposition à des
concentrations croissantes de particules fines était liée à un risque accru de
cancer du poumon.
Quand et comment se déclenche le cancer du poumon
La découverte majeure est celle du mécanisme par
lequel ces polluants peuvent déclencher un cancer du poumon chez des
non-fumeurs.
Par des études en laboratoire sur des souris, les
chercheurs ont montré que les particules provoquaient des changements dans deux
gènes (EGFR et KRAS), déjà liés au cancer du poumon.
Ils ont ensuite analysé près de 250 échantillons de
tissus pulmonaires humains sains, jamais exposés à des agents cancérogènes du tabac ou d’une
forte pollution. Des mutations du gène EGFR sont apparues dans 18% des
échantillons, des altérations du KRAS dans 33%.
« Seules, ces mutations ne suffisent probablement
pas pour conduire au cancer. Mais lorsque vous exposez une cellule à la
pollution, cela stimule probablement une sorte de réaction » inflammatoire, et si « la cellule
héberge une mutation, elle formera un cancer », résume le Pr Swanton.
C’est un « décryptage du mécanisme
biologique de ce qui était une énigme » mais « assez
déroutant », reconnaît ce médecin-chef de Cancer Research UK, principal
financeur de l’étude.
Traditionnellement, on pensait que l’exposition à des
facteurs cancérogènes, comme ceux de la fumée de cigarette ou de la pollution,
provoquait des mutations génétiques dans les cellules, les rendant tumorales et
les faisant proliférer.
Pour Suzette Delaloge, directrice du programme de
prévention des cancers à l’institut Gustave-Roussy, « c’est assez
révolutionnaire parce qu’on n’avait pratiquement pas de démonstration
auparavant de cette carcinogénèse alternative ».
« Cette étude est un pas assez important pour la
science -et pour la société aussi, j’espère », a dit à l’AFP cette oncologue, chargée de discuter
l’étude au congrès. « Cela ouvre une grande porte pour la
connaissance mais aussi pour la prévention ».
La prochaine étape sera de « comprendre
pourquoi certaines cellules pulmonaires altérées deviennent cancéreuses après
exposition à des polluants », selon le Pr Swanton.
La pollution de l’air concerne tout le monde
Cette
étude confirme que réduire la pollution de l’air est crucial également pour la
santé, insistent plusieurs chercheurs.
« Nous avons le choix de fumer ou non, mais pas
de l’air que nous respirons. Comme probablement cinq fois plus de personnes
sont exposées à des niveaux malsains de pollution que de tabac, c’est un
problème mondial majeur », a
lancé le Pr Swanton.
Plus de 90% de la population mondiale est
exposée à ce que l’OMS considère comme des niveaux excessifs de polluants aux
particules fines.
Ces
recherches font aussi espérer de nouvelles approches de prévention et de
traitement. Pour dépister et prévenir, Suzette Delaloge envisage plusieurs
pistes mais « pas pour demain » : « évaluation
personnelle de notre exposition aux polluants », détection -pas encore
possible- de la mutation génétique EGFR, etc.
Pour
Tony Mok, de l’université de Hong Kong, cité dans un communiqué de l’ESMO, ces
recherches, « aussi intrigantes que prometteuses », « permettent
d’envisager un jour de rechercher des lésions précancéreuses dans les poumons à
l’aide d’imagerie, puis d’essayer de les traiter avec des médicaments comme les
inhibiteurs de l’interleukine-1 ? ».
Le
Pr Swanton imagine « ce que pourrait être dans l’avenir la
prévention moléculaire du cancer, avec une pilule, peut-être chaque jour, pour
réduire le risque de cancer dans les zones à haut risque ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire