jeudi 5 septembre 2024

Le centre hospitalier de Martigues, pionnier de la télésurveillance pour l'insuffisance cardiaque

 

Le centre hospitalier de Martigues,

pionnier de la télésurveillance

pour l'insuffisance cardiaque


À gauche, le docteur Serge Yvorra, chef du service cardiologie, et à droite, Emeline Wentzlow, infirmière spécifiquement formée à l’insuffisance cardiaque.

Photo R.L.

Le service cardiologie de l'hôpital de Martigues expérimente un programme 2.0 visant à améliorer la prise en charge des patients atteints d’insuffisance cardiaque. Les premiers résultats sont plus qu’encourageants.

Et si le centre hospitalier de Martigues (CHM) devenait une locomotive française en matière de traitement de l’insuffisance cardiaque ? Depuis juin 2023, son approche de cette pathologie chronique - qui tue près de 70 000 Français par an et représente le plus gros poste de dépenses de la sécurité sociale -, a pris un virage numérique des plus intéressants.

Constatant, au sujet de cette maladie, que le taux de "réhospitalisassions" (quand le patient retourne à l’hôpital dans les semaines suivantes) était trop élevé, le service cardiologie des Rayettes a décidé de prendre le taureau par les cornes. Il a donc lancé un projet dit de "télésurveillance". Quésaco ? La télésurveillance permet à un professionnel de santé d’interpréter à distance, grâce à l’utilisation d’un outil numérique, les données de santé du patient recueillies sur son lieu de vie puis de prendre des décisions relatives à sa prise en charge.

En optant pour cette option des plus modernes, le service cardiologie martégal cherche à "améliorer la prise en charge des patients", leur accompagnement au quotidien, mais aussi à réduire le nombre et la durée des hospitalisations. Dans le cadre de ce projet, donc, "tout patient, à la sortie d’une hospitalisation pour insuffisance cardiaque, se voit proposer un suivi rapproché", explique le docteur Serge Yvorra, chef du service cardiologie depuis 2010.

Comment ça marche ?

Depuis chez lui, le patient (ou un de ses aidants) répond plusieurs fois par semaine, via une application, à un questionnaire des signes "EPOF" : essoufflement, prise de poids, œdème des jambes et fatigue. Il doit aussi se peser régulièrement. Un algorithme va ensuite établir en temps réel, et selon l’évolution des indicateurs cités, si son état de santé est stable, ou s’il nécessite au contraire une vigilance accrue du corps médical. À Martigues, deux infirmières spécifiquement formées à l’insuffisance cardiaque - appelées "Ispic" - ont ainsi directement accès aux données du patient, et gèrent les alertes envoyées par l’outil numérique.

Elles assurent un accompagnement rigoureux, établissent leur propre diagnostic, prescrivent des médicaments, et ont en prime les compétences requises pour ajuster son traitement. Ce qui réduit d’une part le nombre de réhospitalisation, et d’autre part.… le taux de mortalité ! Par ailleurs, cela évite le passage aux urgences, dont on connaît l’encombrement et les délais d’attente. "C’est un nouveau métier", estime le Dr. Yvorra. Notez que ces missions, insiste l’Ispic Emeline Wentzlow, sont rendues possibles grâce à un protocole légal de coopération passé avec le cardiologue.

Cette nouvelle approche, plus globale, et basée sur la télésurveillance, tend surtout à dépister précocement les décompensations cardiaques ; une phase aiguë de l’insuffisance qui peut être fatale. D’autant qu’elle est associée, dans la pratique, a des séances d’éducation thérapeutique, et à un dispositif déjà existant ("Prado") appuyé quant à lui par l’Assurance maladie. De quoi développer aussi les liens entre la ville et l’hôpital !

Pour l’heure, cette nouvelle méthode de travail semble fonctionner. "Ça dépasse toutes mes espérances, je suis extrêmement satisfait, commente même le Dr. Yvorra, qui précise que les patients sont très contents d’avoir des tuteurs."

Premier bilan prometteur

Les résultats connus sont en effet plutôt élogieux ; sur les sept premiers mois, 60 patients avaient suivi le programme pour "seulement" 5 décès, soit 8 % de l’échantillon. "C’est moitié moins que la moyenne nationale", assure le cardiologue martégal. Aujourd’hui, un peu plus d’un an après le lancement, ils sont plus de 130 à avoir bénéficié du projet de télésurveillance des Rayettes. Cerise sur le gâteau, l’approche aurait également des vertus économiques ; en limitant la gravité et le nombre de réhospitalisation, elle diminue de facto les coûts de prise en charge.

Un exemple à suivre ?

Sur le long terme, le Dr. Yvorra espère enfin que ce projet permettra de "multiplier les synergies avec la ville", en développant notamment "un maillage post-hospitalier" à l’échelle du territoire ; l’idée étant que les cardiologues travaillent de concert avec les infirmiers libéraux, les médecins généralistes, les spécialistes, etc. De manière à améliorer toujours plus le parcours santé du patient, et lutter contre l’isolement médical. Si son expérimentation continue à porter ses fruits, nul doute que le service cardiologie de Martigues sera consulté, voire imité dans les années à venir - d’ailleurs, son savoir-faire en matière de télésurveillance est déjà reconnu : "On a que des éloges", glisse le Dr. Yvorra. D’autant que cette approche 2.0 est tout à fait compatible avec d’autres champs d’application ; elle n’est pas exclusive à l’insuffisance cardiaque. Plutôt prometteur.


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