Le
centre hospitalier de Martigues,
pionnier
de la télésurveillance
pour
l'insuffisance cardiaque
À gauche, le docteur Serge Yvorra, chef du
service cardiologie, et à droite, Emeline Wentzlow, infirmière spécifiquement
formée à l’insuffisance cardiaque.
Photo R.L.
Le service cardiologie de
l'hôpital de Martigues expérimente un programme 2.0 visant à améliorer la prise
en charge des patients atteints d’insuffisance cardiaque. Les premiers
résultats sont plus qu’encourageants.
Et si le centre
hospitalier de Martigues (CHM) devenait une locomotive française en
matière de traitement de l’insuffisance cardiaque ? Depuis juin 2023, son
approche de cette pathologie chronique - qui tue près de 70 000 Français par an
et représente le plus gros poste de dépenses de la sécurité sociale -, a pris
un virage numérique des plus intéressants.
Constatant, au sujet de cette
maladie, que le taux de "réhospitalisassions" (quand le
patient retourne à l’hôpital dans les semaines suivantes) était trop élevé,
le service cardiologie des Rayettes a décidé de prendre
le taureau par les cornes. Il a donc lancé un projet dit de "télésurveillance".
Quésaco ? La télésurveillance permet à un professionnel de santé d’interpréter
à distance, grâce à l’utilisation d’un outil numérique, les données de santé du
patient recueillies sur son lieu de vie puis de prendre des décisions relatives
à sa prise en charge.
En optant pour cette option
des plus modernes, le service cardiologie martégal cherche à "améliorer
la prise en charge des patients", leur accompagnement au quotidien,
mais aussi à réduire le nombre et la durée des hospitalisations. Dans le cadre
de ce projet, donc, "tout patient, à la sortie d’une hospitalisation
pour insuffisance cardiaque, se voit proposer un suivi rapproché",
explique le docteur Serge Yvorra, chef du service cardiologie depuis 2010.
Comment ça marche ?
Depuis chez lui, le patient (ou un de ses aidants) répond
plusieurs fois par semaine, via une application, à un questionnaire des signes
"EPOF" : essoufflement, prise de poids, œdème des jambes et fatigue.
Il doit aussi se peser régulièrement. Un algorithme va ensuite établir en temps
réel, et selon l’évolution des indicateurs cités, si son état de santé est
stable, ou s’il nécessite au contraire une vigilance accrue du corps médical. À
Martigues, deux infirmières spécifiquement formées à l’insuffisance cardiaque -
appelées "Ispic" - ont ainsi directement accès aux données du
patient, et gèrent les alertes envoyées par l’outil numérique.
Elles assurent un accompagnement rigoureux, établissent
leur propre diagnostic, prescrivent des médicaments, et ont en prime les
compétences requises pour ajuster son traitement. Ce qui réduit d’une part le
nombre de réhospitalisation, et d’autre part.… le taux de mortalité ! Par
ailleurs, cela évite le passage aux urgences, dont on connaît l’encombrement et
les délais d’attente. "C’est un nouveau métier", estime le Dr.
Yvorra. Notez que ces missions, insiste l’Ispic Emeline Wentzlow, sont rendues
possibles grâce à un protocole légal de coopération passé avec le cardiologue.
Cette nouvelle approche, plus
globale, et basée sur la télésurveillance, tend surtout à dépister précocement
les décompensations cardiaques ; une phase aiguë de
l’insuffisance qui peut être fatale. D’autant qu’elle est associée, dans la
pratique, a des séances d’éducation thérapeutique, et à un dispositif déjà
existant ("Prado") appuyé quant à lui par l’Assurance maladie. De quoi
développer aussi les liens entre la ville et l’hôpital !
Pour l’heure, cette nouvelle
méthode de travail semble fonctionner. "Ça dépasse toutes mes
espérances, je suis extrêmement satisfait, commente même le Dr. Yvorra, qui
précise que les patients sont très contents d’avoir des tuteurs."
Premier bilan prometteur
Les résultats connus sont en
effet plutôt élogieux ; sur les sept premiers mois, 60 patients avaient suivi
le programme pour "seulement" 5 décès, soit 8 % de
l’échantillon. "C’est moitié moins que la moyenne nationale",
assure le cardiologue martégal. Aujourd’hui, un peu plus d’un an après le
lancement, ils sont plus de 130 à avoir bénéficié du projet de télésurveillance
des Rayettes. Cerise sur le gâteau, l’approche aurait également des vertus
économiques ; en limitant la gravité et le nombre de réhospitalisation, elle
diminue de facto les coûts de prise en charge.
Un exemple à suivre ?
Sur le long terme, le Dr. Yvorra espère enfin que
ce projet permettra de "multiplier les synergies avec la ville",
en développant notamment "un maillage post-hospitalier" à
l’échelle du territoire ; l’idée étant que les cardiologues travaillent de
concert avec les infirmiers libéraux, les médecins généralistes, les
spécialistes, etc. De manière à améliorer toujours plus le parcours santé du
patient, et lutter contre l’isolement médical. Si son expérimentation continue
à porter ses fruits, nul doute que le service cardiologie de Martigues sera
consulté, voire imité dans les années à venir - d’ailleurs, son savoir-faire en
matière de télésurveillance est déjà reconnu : "On a que des éloges",
glisse le Dr. Yvorra. D’autant que cette approche 2.0 est tout à fait
compatible avec d’autres champs d’application ; elle n’est pas exclusive à
l’insuffisance cardiaque. Plutôt prometteur.
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