Abattage
d'arbres à Martigues le long de l'A55 : "J'aurais préféré un
incendie",
Des habitants
vent debout
Depuis une
dizaine de jours, les habitants de Martigues, qui n’ont reçu aucune
explication, assistent à la destruction des espaces boisés qui les protégeaient
des nuisances sonores engendrées par l’autoroute toute proche.
"Elle porte bien son nom maintenant, la Gueule
d’Enfer !" Ça, c’est Charly Ottavi qui le dit. Il habite au
Pati, à quelques encablures de cette impasse qui doit son drôle de nom,
explique-t-il, à une ancienne léproserie, nichée autrefois dans le creux des
collines. Depuis une dizaine de jours, les lieux sont confrontés à un nouveau
fléau : l’autoroute. Ou plutôt, au déboisement radical des grands pins qui
la bordaient et protégeaient les habitants du bruit.

Jeudi 2 octobre au matin, devant l’impasse de la Gueule d’Enfer, un
grand camion broyeur avalait les troncs fraîchement coupés. "Vous n’avez pas le
droit d’être là !" crie au chauffeur Véronique Trinquigneaux,
ulcérée. Elle vit ici avec son époux Philippe depuis 26 ans. "Il
faut les empêcher de continuer !" s’exclame-t-elle dans la
foulée. Pendant ce temps, des policiers municipaux constatent la situation et
s’empressent de rentrer faire leur rapport. Ni les habitants, ni la
municipalité n’ont été prévenus de ce déboisement, mené par les services de l’État
en parallèle des travaux de la bretelle d’accès numéro 2 à l’A55,
en direction de Marseille, visant à remplacer les murs de gabion (des murs
grillagés remplis de blocs de pierre) par des murs de soutènement
en béton. Seulement, le déboisement dépasse largement le secteur. De part
et d’autre du pont autoroutier enjambant l’ancienne route de Marseille, tout a
été rasé. Allée des Frères Honnorat Et Tarditi, la terre a été mise à nu, de
même que sur le talus autrefois densément boisé entre l’autoroute et l’entrée
de Martigues, juste en face, côté étang.

"On est comme dans un sandwich ici, fulmine Jean-Marc
Mauchauffée, habitant du Pati mais aussi responsable de Génération Ecologie
pour l’Ouest de l’étang de Berre. Côté colline, on est soumis au
PPRIF ; de l’autre, l’autoroute apparaît au grand jour. Ce qui était un
quartier recherché, paisible, verdoyant, ça devient un merdier. Les gens ont
l’autoroute dans leur maison !" Philippe Trinquigneaux confirme.
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rues se sont transformées en rivières, on a compris que c'était grave"
"On a senti la différence de suite. Le bruit de l’autoroute
est bien plus fort. Avant, c’était quand le mistral soufflait, maintenant,
c’est tout le temps. En plus, le revêtement sur ce tronçon est l’un des plus
bruyants, et les gens ne respectent pas les limitations de vitesse. Les voisins
se demandent s’ils ne vont pas quitter le quartier. Moi, j’aurais dix ans de
moins, je partirais…" Pendant ce temps, le broyeur continue de réduire
en poussière les grands pins entassés au bord de la route, dans un boucan
assourdissant. "On ne comprend pas ce qu’il se passe. J’aurais préféré
un incendie, que ça brûle, au moins ça aurait été involontaire",
surenchérit Charly Ottavi.
"Une catastrophe humaine et environnementale"
Et Jean-Marc Mauchauffée d’exposer : "Ces arbres étaient
cinquantenaires, certains centenaires : il n’y a plus rien. Combien de
centaines ont été coupées ? Un arbre, ça fait respirer quatre personnes.
Ça atténue aussi les canicules : après ça, il faudra se bagarrer pour
mettre deux arbres en ville contre les îlots de chaleur ? Et les racines,
ça retient la terre : si on a un nouveau déluge comme il y a dix jours, ça
va glisser et c’est encore les habitants qui vivent à côté qui en paieront le
prix. C’est une catastrophe humaine, écologique, environnementale, et
économique : les maisons ont perdu plus de 10% de leur valeur."
Aucune information n’ayant été fournie, personne ne sait jusqu’où
s’étendra le carnage. Lors du conseil de quartier de Jonquières-Sud de mardi
soir, les services municipaux ont confirmé que les abords de l’A55 étaient
voués à être déboisés jusqu’à la sortie de Carry-le-Rouet… La justification
évoquée jusqu’à présent (lire ci après) ? La sécurité incendie des bords de
l’autoroute.
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Martigues et Miramas et entre Miramas et Cavaillon, les 4 et 5 octobre
La préfecture invoque les obligations de
débroussaillement
La préfecture confirme que "ces travaux ont été réalisés dans
le cadre des obligations légales de débroussaillement [...] Pour l'A55,
comme pour l'ensemble des abords autoroutiers des Bouches-du-Rhône, les OLD
imposent de maintenir une zone débroussaillée sur 20 mètres de part et d'autre
de l'autoroute dans les secteurs identifiés comme "massifs boisés" ou
zones à risque." Ce qui est le cas de ce secteur de l'A55. La
préfecture ajoute par ailleurs que "ces coupes ont été réalisées dans
le cadre de la mutualisation de travaux sur l'A55, la bretelle d'entrée
vers Marseille qui a fait l'objet d'une information globale auprès de la mairie
de Martigues". Expliquant que la responsabilité du débroussaillement
incombe à la Dir-Méditerranée, elle affirme encore : "Aucun
déboisement systématique n'a été entrepris sur cette zone."