Quand l'eau salée devient un enjeu stratégique national

Publié le lundi 6 juillet 2009 à 09H59 par La Provence
La saumure de Manosque sera rejetée dans le golfe de Fos
Le chantier vise à créer un émissaire de 900 mètres de long destiné à éjecter en mer, de la saumure issue de la création de cavités souterraines à Manosque.

La pose d'un nouveau pipeline le long du port pétrolier de Lavéra, entre les bassins du Port autonome de Marseille et la mer, passe inaperçue. Il faut dire que les "pipe", dans cette zone, ce n'est pas ce qu'il manque. Alors un de plus ou de moins, quelle importance? Sauf que tous ces tuyaux n'ont pas la même importance.

En effet, celui qui est actuellement enfoui serait même d'un intérêt capital pour la France. Et pourtant, il n'est destiné qu'à transporter de.. l'eau salée. Alors pourquoi tout ce foin? Parce que l'eau salée, la saumure plus particulièrement, sert au stockage des produits pétroliers dans les stocks dits "stratégiques" pour le compte de l'État français.

Cette obligation de stockage imposée aux opérateurs que sont Inéos, Total et autres producteurs, est actuellement du ressort de Géostock, une filiale créée par les pétroliers eux-mêmes en 1965, et dont l'une des entités majeures est située à Manosque.

Le site alpin est, actuellement, en pleine expansion. En effet, sept cavités souterraines supplémentaires (le site en compte déjà 28 pour le stockage des hydrocarbures liquides et 7 pour le gaz naturel) sont en cours de forage. "Lors de ces opérations, de l'eau douce est injectée dans les couches de sel situées en profondeur. On fabrique ainsi de la saumure que l'on évacue pour laisser apparaître des cavités qui serviront au stockage", explique Jean-Michel Noé, président de Géostock. Pendant des années, une partie de cette saumure a été déversée dans les étangs de L'Engrenier et Lavalduc à Fos- les fameux étangs de couleur rose-et utilisée par les Salins du Midi pour la fabrication du sel de salage des routes. "Mais la consommation de sel a chuté et il faut trouver d'autres exutoires pour la saumure", poursuit Jean-Luc Cambon, directeur de la valorisation dans l'entreprise.

Parmi les solutions proposées, c'est le déversement dans le golfe de Fos, face au Fort de Bouc, qui a été retenu. Une décision faisant suite à des études poussées et validées ces dernières semaines par le préfet. De fait, Géostock a entrepris la construction d'une canalisation chargée d'évacuer ces eaux en mer. Un projet pour lequel de nombreuses précautions ont été prises (lire par ailleurs) par l'entreprise bien décidée à jouer la carte de la transparence.Une saumure "propre".La saumure rejetée dans le golfe de Fos sera "propre", promettent Jean-Michel Noé et Jean-Luc Cambon. Avant d'être libérée, la saumure sera traitée par une station d'épuration spécifique à Manosque. Elle cheminera ensuite dans les canalisations pour être rejetée à 900 mètres du bord de mer, à 20 mètres de profondeur. La saumure sera diluée grâce à 33 éjecteurs disséminés sur les 100 derniers mètres de l'émissaire, chacun mesurant 3 mètres de haut. Le débit du rejet sera de 800m³/heure. Des protections spécifiques destinées à éviter que les pêcheurs n'abîment leurs filets sur ces installations seront également installées. Le projet avait, le mois dernier, suscité la colère de René Raimondi, maire de Fos.

Par Stéphane Rossi ( srossi@laprovence-presse.fr )