Arnaque au chômage partiel :
Une famille suspectée d’avoir détourné
Plus de 11 millions d’euros
Vincent Gautronneau - Hier à 23:18
Au cœur de la nuit, dans un bel
appartement de Pantin (Seine-Saint-Denis), Dan J. réveille sa femme et ses deux
enfants, boucle quelques valises et prend la route.
Ce mardi soir, le Franco-israélien de 30
ans vient de constater que tous ses comptes bancaires avaient été vidés et
gelés. À 2 heures du matin, la famille prend la direction de la Suisse pour
attraper un avion pour Tel-Aviv (Israël). Dan J. ne le sait pas, mais les gendarmes de
l’Office central de lutte contre le travail illégal et de la section de
recherches de Toulouse (Haute-Garonne) le suivent à la trace depuis plusieurs
jours. Lorsqu’il arrive au péage de Replonges (Ain), un comité d’accueil lui
tombe dessus. Dan J. et sa femme sont interpellés. Quelques heures plus tard, à
Paris, ses parents et sa sœur sont à leur tour placés en garde à vue.
Ce vendredi, Dan J., sa femme et son
père ont été mis en examen notamment pour escroquerie en bande organisée,
blanchiment, association de malfaiteurs et recel de biens dans le cadre d’une
information judiciaire ouverte en janvier par la Juridiction nationale chargée
de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco), selon une source
judiciaire. Dan J. et son père dorment en prison. La famille J. est suspectée
d’avoir joué un rôle de premier plan dans la retentissante escroquerie au
chômage partiel. À eux seuls, Dan J. et ses proches auraient détourné plus de
11 millions d’euros d’argent public destiné à aider les entreprises pendant la
crise du Covid-19. L’enquête a établi que la famille avait tenté de
spolier plus de 40 millions d’euros d’aides publiques au total.
Dans un box appartenant au père de famille,
les gendarmes ont saisi 1,7 million d’euros en cash, des montres de luxe d’une
valeur de 230 000 euros, ainsi que des bijoux en or et en diamant. 750 000
dollars (plus de 630 000 euros) ont par ailleurs été bloqués sur un compte
bancaire. Les gendarmes ont aussi mis au jour, avec l’aide d’Europol, un
circuit perfectionné de blanchiment via des cryptomonnaies…
Retour un an en arrière. Le 16 mars
2020, la population est confinée, les entreprises fermées. « Le dispositif de
chômage partiel sera massivement élargi », promet Emmanuel Macron. Deux mois
plus tard, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) d’Occitanie détecte une
première fraude. À Limoges (Haute-Vienne), l’organisme relève 1 200 demandes
suspectes. Le phénomène s’avère national,
la faille détectée par les escrocs juteuse. Ces pros de l’arnaque usurpent
l’identité de petites entreprises et demandent à toucher le chômage partiel au
nom de ces sociétés… mais c’est sur leurs comptes qu’ils font virer l’argent.
Urgence économique oblige, les contrôles sont rares et l’argent transféré
presque sans vérification par l’État. L’arnaque devient tentaculaire. Quand le
parquet de Paris reprend la main sur l’ensemble des procédures, le montant
total des aides indûment demandées se monte à 182 millions d’euros ! L’État
parvient à stopper l’hémorragie et les virements, mais 53 millions sont déjà
loin.
« Excellente coopération» avec la police
israélienne
Dans cette combine, Dan J. aurait servi
de « logisticien de luxe » d’un des groupes criminels. Il aurait ainsi réclamé
le chômage partiel au nom de 3 600 entreprises usurpées. Il est aussi suspecté
d’avoir supervisé l’ouverture par des « mules bancaires » de dizaines de
comptes utilisés pour faire virer les indemnités en France avant leur départ
pour l’étranger, où l’argent devient beaucoup plus difficile à tracer. En
travaillant sur ces comptes, les gendarmes ont pu éviter la fuite de 3 millions
d’euros vers l’étranger… et identifier Dan J. Pendant des semaines, le jeune
homme et son entourage, suspecté de l’aider à cacher l’argent, sont épiés par
l’OCLTI et la SR de Toulouse qui confirment leurs suspicions et le trouble rôle
de Dan J.
Les autorités israéliennes sont avisées
et prennent le relais lorsque le père de famille se rend dans l’Etat hébreu, où
il dispose de nombreux contacts et d’un pied à terre. Ce mercredi, en même
temps que l’interpellation de Dan J., un proche du père de famille a d’ailleurs
été interpellé et auditionné en Israël avant d’être relâché. À Netanya, dans un
« call center » utilisée par l’organisation pour monter ses arnaques, les policiers
israéliens ont aussi saisi une forte somme d’argent ainsi que du matériel
informatique de haute technologie.
L’ambassade d’Israël se félicite de «
l’excellente coopération entre les services de polices des deux pays. Cette
collaboration a permis l’arrestation, la condamnation et l’extradition de
nombreux criminels ces dernières années. » Mais cette enquête n’est pas
terminée pour autant. Homme de premier plan du réseau, Dan J. ne fait sans
doute pas partie des concepteurs de l’arnaque, qui sont susceptibles de se
trouver en Israël et d’être impliqués dans d’autres fraudes au chômage partiel…
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