Martigues :
Projet de parc
photovoltaïque
« Centrale Solaire
Lavéra »
Cinq hectares de pinède
Défrichés pour une centrale
solaire
C'est un projet
pharaonique mais que presque personne n'a vu venir
Par Audrey Letellier
Photo A.L.
1/4
L'autorisation préfectorale de défricher près de 5 hectares de pinède a été
délivrée le 3 juillet de l'an dernier. Les travaux de nivellement des
terrains devraient commencer fin 2021.
Un parc
photovoltaïque de 8 660 panneaux solaires
C'est un
projet pharaonique mais que presque personne n'a vu venir. Un projet
réglementaire mais au détriment d'un gros morceau de nature.
Le projet de
parc photovoltaïque, dit "centrale solaire Lavéra", est mené par
Total via sa filiale Total Solar (devenue Total Quadran), spécialisée dans le
développement d'énergies renouvelables. Une étude d'impact a préalablement été
réalisée, notamment pour évaluer les conséquences environnementales de ce
projet. Il se situe sur l'avenue du Gros Mourre, aux portes du complexe
pétrochimique d'Inéos.
Une enquête
publique, commandée par la Préfecture, a été réalisée l'an dernier, du
12 septembre au 15 octobre, sous la forme de cinq demi-journées au
cours desquelles le commissaire-enquêteur pouvait recevoir du public. La très
faible publicité faite autour de cette enquête (une annonce légale dans notre
journal, une brève dans le magazine municipal 15 jours avant son terme) n'aura
pas permis de recevoir grand monde. C'est aussi le Préfet qui, le 3
juillet 2019, a autorisé le défrichement d'un "bois de
particulier". Les parcelles qui doivent accueillir les panneaux solaires
appartiennent, en effet, à Total. Ce sont des friches industrielles qui
s'étendent sur plus de cinq hectares à l'Est du dépôt pétrolier. Le plan
d'emprise de défrichement est consultable en mairie de Martigues.
L'électricité
d'une ville de 2 500 habitants
Les zones d'implantation des panneaux solaires tels que présentés dans
l'étude d'impact initiale.
VILLE DE MARTIGUES
Ce projet, qui
a nécessité le dépôt d'un permis de construire en Mairie, verra l'installation
de 8 660 panneaux qui permettront de fournir l'équivalent des besoins en
électricité d'une ville de 2 500 habitants. Total Quadran a remporté un appel
d'offres de la Commission de régulation de l'énergie de 135 MWc
(mégawatts-crête), soit 20 % des volumes attribués en France. La future
centrale de Lavéra fournira 3,2 MWc.
Si ces
parcelles sont d'anciennes friches industrielles, personne n'a été en mesure de
nous dire quelles industries elles accueillaient, même pas la communication de
Total. Ce que l'on sait, pour être allé sur place, c'est que ce sont des
hectares de pinèdes qui devront laisser place aux panneaux solaires.
L'étude
d'impact ne révèle pas de problèmes majeurs en termes de faune et de flore. En
revanche, il y a quelques habitations, avenue du Gros Mourre et, bientôt, les
riverains ne verront plus de verdure mais une centrale solaire. Déjà soumis à
un environnement visuel dégradé du fait de la raffinerie, ces riverains vont
voir disparaître les derniers espaces de verdure.
Les plus
proches seront à une trentaine de mètres de la centrale mais l'étude estime
"nuls" les effets des champs électromagnétiques sur la santé. Total
promet d'installer des "masques" pour atténuer l'impact visuel. Un
réseau de pistes sera créé pour accéder aux installations. La dépollution des sols
n'apparaît pas nécessaire mais il faudra déplacer puis remblayer 20 000m3 de
terre.
L'étude évoque
"un risque important d'incendie", le site "étant
susceptible d'être frappé par la foudre." La zone humide située dans
le périmètre défini fera l'objet d'une protection. La Mission régionale
d'autorité environnementale n'a pas émis d'avis, ce que regrette le
commissaire-enquêteur.
Tout ceci a
conduit l'enquêteur public à émettre un avis favorable assorti de réserves et
de quelques recommandations. Ainsi,
il juge "considérable" l'impact visuel pour les riverains et
souhaite que "le choix de la solution retenue se fasse en concertation
avec les habitants concernés." Il préconise également "des mesures de protection de la faune, la
protection des zones humides en phase de chantier, la mise en
place de bâches à amphibiens lors des travaux, la conservation d'une partie des
pins et un déboisement en dehors de la période de reproduction de certaines
espèces."
Dans son
mémoire de réponse à l'enquête publique, Total Solar indique que ce projet
"a fait l'objet de multiples rencontres en mairie",
depuis 2016. La présence de bacs de stockage d'essence, soulignée par la
Dréal, a finalement conduit Total Solar a retiré de son projet la totalité des
capteurs situés sur la zone ouest, vis-à-vis de la route du Gros Mourre.
Globalement, Total Solar a promis de suivre les préconisations du
commissaire-enquêteur.
Impossible, à
ce stade, de savoir combien d'arbres seront abattus. "Leur nombre ne
pourra être déterminé que lors de la phase de travaux", fait savoir
Alain Giavarini, le commissaire-enquêteur.
La Ville de
Martigues, qui a notamment instruit le permis de construire pour le compte de
la Préfecture, n'a pas émis d'avis et n'était pas obligée de le faire.
Pétition sur
les réseaux sociaux : "C'est un non-sens écologique !"
Florent Marcelli a lancé une pétition sur les réseaux sociaux.
Comme les riverains, comme la grande majorité de ceux
qui liront ces lignes, jamais nous n'avions entendu parler de ce projet de
centrale solaire. Total n'a toujours communiqué que sur la centrale
photovoltaïque qu'elle abrite sur son propre site de La Mède, dans le cadre de
la conversion de sa raffinerie en "bioraffinerie", et qui fonctionne
déjà.
C'est un
particulier qui a contacté notre rédaction. Florent Marcelli, qui travaille à
Inéos, a découvert, par hasard, les panneaux installés aux abords des pinèdes
pour informer de l'autorisation préfectorale de défrichement et du permis de
construire. "C'est un non-sens écologique !", clame-t-il.
C'est avec lui que nous avons fait le tour de ces espaces verts, voués à
disparaître pour laisser place à des milliers de panneaux solaires. "Sous
prétexte de produire de l'énergie propre, on détruit une forêt !" Il a
donc lancé une pétition dont il fait la publicité sur les réseaux sociaux.
"Ce n'est, ni plus ni moins, que du green-washing (Le green washing, ou en français l’éco
blanchiment, consiste pour une entreprise à orienter ses actions marketing et
sa communication vers un positionnement écologique. C’est le fait souvent, de
grandes multinationales qui de par leurs activités polluent excessivement la
nature et l’environnement. Alors pour redorer leur image de marque, ces
entreprises dépensent dans la communication pour « blanchir » leur
image, c’est pourquoi on parle de green washing.!"
Rappelons que
Total a fait l'objet d'un "bad buzz"(Un bad buzz est un phénomène de "bouche à
oreille" négatif qui se déclenche généralement sur Internet avant de se
prolonger éventuellement sur d'autres médias. Le phénomène prend le plus
souvent naissance sur les réseaux sociaux. Le bad buzz peut être totalement
subi ou être provoqué par une action initiale ou maladresse de la marque ou
d'un de ses représentants.) lors de la conversion de sa raffinerie et de l'importation massive d'huile
de palme, accusée de contribuer à la déforestation de certaines zones du globe
et, particulièrement, de l'Indonésie.
Nous avons
joint Stéphane Delahaye, élu EELV de la majorité à la Ville de Martigues. Même
lui n'était pas au courant : "Je n'en ai jamais entendu parler, assure-t-il. C'est
complètement passé sous les radars" et, même, "J'hallucine !"
Lui aussi ne voit rien moins qu'une "grosse opération de green-washing".
La pétition,
lancée il y a un mois, a recueilli, pour l'heure, 350 signatures avec un
objectif affiché de 500 signataires.
Pour signer la
pétition : rendez-vous sur www.change.org/p/yannick-jadot-mobilisons-nous-pour-sauver-une-foret
Gaby Charroux
: "Pas de remarques" ; Stéphane Delahaye : "C'est
regrettable"
Les habitations les plus proches seront à
une trentaine de mètres de la centrale solaire.
"Le
projet datait un peu, convient Gaby Charroux. C'est un espace
classé en zone industrielle donc ils font une activité industrielle avec une
autorisation de défrichement et un permis de construire. Il n'y a pas eu de
remarques particulières du commissaire-enquêteur si ce n'est l'aspect visuel
pour les riverains, la protection de la faune ou le manque de communication. En
outre, poursuit le maire, toutes les commissions et autorisations
imaginables se sont réunies et ont été données donc je n'ai pas de remarques
particulières."
Stéphane Delahaye, élu Vert à la Ville de Martigues, a un avis nettement
plus tranché : "Mes amis d'Alternatiba ont vu passer la pétition et,
pour eux aussi, ce projet est totalement passé sous les radars. À la base, un
industriel qui veut se reconvertir dans le solaire, pourquoi pas ? Mais tout de
même, cinq hectares de forêt défrichés et un biotope perturbé pour "le
bien de l'humanité"... C'est produire de l'énergie pour produire de
l'énergie. Alors, certes, nous sommes très en retard pour ce qui relève de
l'énergie solaire mais tout ceci manque franchement de cohérence et il y a
surtout un manque flagrant de communication ! Ça passe presque en catimini.
Total aurait dû mieux communiquer, bref, jouer le jeu. C'est entre
l'opportunisme et le greenwashing, c'est regrettable."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire