Un an après, les plaintes s’enchaînent
Plainte contre X au pénal, plainte au civil, démarche individuelle…
À Fos-sur-Mer, la pollution mobilise
RAPPEL
DES FAITS
Le 17
octobre 2018 à Fos, une réunion lançait le dépôt d’une plainte contre X pour
mise en danger de la vie d’autrui.
Un an après,
d’autres procédures sont lancées, un nouveau film sera diffusé mardi sur France
2, et le projet "Réponses" entend développer la concertation entre
les différents acteurs. La pollution reste au centre des débats et se
cristallise à Fos Sur-Mer.
Il y a bientôt un an, une réunion faisait salle comble à la
Maison de la mer à Fos.
L’association ADPLGF, avec son président Daniel Moutet, ses deux
avocats, Mes Andreu et Games, avec le maire de l’époque, René Raimondi, avaient
présenté les tenants et, aboutissants de la plainte contre X pour "mise en
danger de la vie d’autrui". 135 plaignants s’étaient associés à la démarche,
déposée le 8 novembre devant le tribunal de grande instance d’Aix en Provence.
Un an plus tard, l’affaire suit son cours. "Nous en
sommes désormais à 228 plaignants, avec sept associations et un
syndicat, complète Me Julie Andreu.
L’affaire est désormais instruite par le
pôle santé publique du parquet de Marseille, et par sa section environnement."
Un procureur continue d’examiner ce lourd dossier, qui
nécessitera encore plusieurs mois avant de donner corps au lancement d’une
procédure judiciaire, ou pas. "Nous n’avons pas eu de réponse du
parquet, ce qui est normal, complète l’avocate spécialisée.
Au bout de cette première étape, trois possibilités :
un classement sans suite, le renvoi direct devant le tribunal
correctionnel, et la transmission à un juge d’instruction. « Des
trois hypothèses, c’est évidemment la dernière qui a la préférence des plaignants.
"La désignation d’un juge d’instruction serait une bonne
nouvelle, puisqu’il aurait le pouvoir de mener des expertises et des auditions.
Et nous aurions accès au dossier."
Une nouvelle action pour
troubles anormaux du voisinage
Un an
après le déplacement à Aix pour le dépôt de cette plainte, un autre est en
ligne de mire, ce jeudi matin, pour une autre procédure, toujours suivie par Me
Andreu. "Quatorze riverains ont décidé d’assigner en justice les
sociétés ArcelorMittal Méditerranée, Dépôts pétroliers de Fos, Esso raffinage
et Kem one pour trouble anormal de voisinage, indique-t-elle. Ils réclament la
mise en conformité de ces établissements avec la réglementation, ainsi que la
réparation de leurs préjudices."
Pourquoi
ces sociétés précisément ? "Parce qu’elles ont fait l’objet de
rapports de la Dréal, ces derniers mois, pour des dépassements de
la réglementation.
Tous les
documents en attestant seront joint s à la plainte."
Daniel Moutet, riverain, fera partie des plaignants.
Là
encore, la procédure sera la première du genre, et aura valeur d’exemple.
Mais
cette plainte n’est pas encore déposée, qu’une autre est déjà annoncée, comme
l’indiquait La Provence dans son édition du 16 mars dernier. La valse en
trois temps sera complétée par une action devant le tribunal administratif
contre l’État, dont les futurs plaignants entendront dénoncer une "carence
fautive dans son rôle de régulateur et de contrôleur". Cette
nouvelle procédure pourrait intervenir d’ici six mois.
Éric GOUBERT
"LES RÉVOLTÉS DE LA POLLUTION"
MARDI À 23 H 55
SUR FRANCE 2
Un nouveau doc, de Pompidou à la plainte contre X
Après
Fos, les fumées du silence, film de Nina Hubinet projeté sur France 3 en
janvier dernier, qui avait eu droit à une avant-première au cinéma L’Odyssée,
Fos, les révoltés de la pollution, d’Antoine Dreyfus et Yann Rineau a eu droit
au même dispositif, à Fos-sur-Mer, avant sa diffusion demain soir sur France 2
(23 h 55). Nombreux, le public a pris place dans deux salles du cinéma, pour
découvrir ce documentaire de 52 minutes, salué par des applaudissements nourris
et de nombreux remerciements en fin de projection.
Quoi de
neuf sur le front des documentaires télévisés ? Le film raconte de nouveau la
construction et l’expansion de la zone industrielle de Fos-sur-Mer, avec ce discours
de Pompidou en ouverture, des images d’ouvriers venus de Lorraine, et de leurs
installations parfois précaires. Mais ce sont les témoignages poignants de
trois femmes confrontées à des deuils cruels (un mari, un enfant, trop tôt emportés
par le cancer) qui retiendront l’attention. "Trois femmes courageuses, qui
ont accepté de témoigner face caméra", indiquait le réalisateur Antoine
Dreyfus. Ce qui n’est pas le cas d’un homme auteur de révélations sur des
pratiques douteuses dans l’industrie, où on aurait pour habitude de falsifier
les relevés de mesures de pollution. D’ores et déjà, ce passage, comme d’autres
relatifs à la qualité de l’air et aux conditions de travail à la cokerie a fait
réagir la direction d’ArcelorMittal qui "réfute catégoriquement les accusations
diffamatoires de manipulation des mesures ou de falsification des chiffres des
mesures. Les salariés d’ArcelorMittal travaillent avec professionnalisme et conscience
et de telles dérives n’ont jamais été constatées. ArcelorMittal s’interroge sur
d’éventuelles motivations personnelles du témoin qui s’exprime à visage couvert
dans le reportage : il s’agit, selon toute vraisemblance, d’un ancien salarié du
site licencié il y a plusieurs mois pour malversations financières."
ArcelorMittal
ajoute : "Compte tenu de nombreuses déclarations inexactes et
trompeuses véhiculées
dans le documentaire, la direction se réserve le droit d’agir en justice".
Figures emblématiques de cette lutte fosséenne, Daniel Moutet, président de
l’association ADPLGF, René Raimondi, maire à l’époque du tournage, apportent leur
éclairage. Un représentant de l’industrie, Marc Bayard, aujourd’hui
vice-président du GMIF après avoir été délégué général de l’Union des
industries chimiques, apporte aussi ses commentaires.
Tourné
pendant un an, le documentaire de 52 minutes égrène les soupçons qui pèsent sur
l’attitude de l’Etat et des industriels.
Avec de
superbes images aériennes, le film illustre aussi la qualité fosséenne où, l’été,
on se baigne avec vue sur les tankers, les bacs de stockage dans le dos. Et où
plusieurs études (Scenarii, Epseal) ont mis en évidence la prégnance de la
pollution dans le secteur.
E.G.
CONCERTATION
La démarche "Réponses" passe à la phase concrète
Réunir
autour d’une table l’industrie, des collectivités, l’État, des associations et
des syndicats pour élaborer une feuille de route visant à réduire les pollutions
de l’air et améliorer la santé environnement autour de l’étang de Berre, c’est
l’objectif du projet "Réponses", lancé au printemps dernier par le
"SPPPI", le secrétariat permanent pour la prévention des pollutions
industrielles. Face à la multiplication des études (lire ci-dessous), des
plaintes, et des reportages, télévisés ou pas, la nécessité de lancer un
processus de concertation d’un nouveau genre s’est fait jour. Après une
première phase de concertation, une seconde arrive début novembre pour
finaliser le plan d’actions, qui sera présenté le 12 décembre.
L’intensification du suivi de particules ultrafines en fait partie, comme la
création d’une consultation spécialisée à Port-de-Bouc, en lien avec l’hôpital
de Martigues.
Les partenaires sont :
pour les associations, "ADPLGF", Fare Sud et Eco-relais, pour les
collectivités : la Métropole, les mairies de Vitrolles et Fos-sur-Mer. Pour
l’État, la
DREAL et l’ARS PACA, le
Grand Port Maritime de Marseille, pour les industriels : le
Groupement Maritime et
Industriel de Fos (GMIF) pour les syndicats : la CGT et FO auxquels s’adossent,
à titre d’experts, le Cerege, AtmoSud, le CIAS du Pays de Martigues et
l’Institut Eco-Citoyen.
LES ÉTUDES DÉJÀ PUBLIÉES
Depuis
deux ans, plusieurs études avec des "indices concordants" ont été
menées.
Scenarii
: c’est la seule analyse par "voie officielle". Conduite par Air
Paca, association agrée par le ministère de l’Environnement, elle a fait
clairement un lien entre la pollution du pourtour de l’étang de Berre et les
risques sanitaires pour sa population. L’association a avoué un "état de
santé fragilisé". Sur 66 communes de l’ouest du département, le travail a mis
en évidence quatre polluants, "qui nécessitent une attention particulière des
pouvoirs publics » : les particules diesel, benzène, butadiène et dichlorométhane.
Fos-Epseal
: En mars 2017, l’étude franco-américaine Fos Epseal conduite par une équipe de
chercheurs universitaires concluait qu’à Fos et Port-Saint-Louis, les habitants
étaient plus malades de cancers, de diabètes et d’asthme. Un an après, l’État
admet qu’elle amène "des nouvelles perspectives, comme des hypothèses de
travail pour de futures études".
ADPLGF :
En février 2018, l’étude menée par l’Association de défense et de protection du
littoral du golfe de Fos (ADPLGF) de Daniel Moutet avait pointé 7 aliments AOC
produits localement qui seraient plus contaminés par des polluants que la
moyenne nationale. Le préfet est monté au créneau considérant "une
méthodologie qui ne permet pas de donner une information rigoureuse et
objective".
Index :
en mai 2018, l’étude Index portant sur le sang et l’urine de
"cobayes" en deux zones (Fos VS Saint-Martin de Crau et Mouriès).
Dans trois cas sur 50, des habitants de Fos présentent une sur imprégnation de
certains polluants.
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