Pollution de
l’air :
La Commission européenne reconnaît :
La législation actuelle n’est pas assez protectrice
Un
document publié vendredi relève que les normes ne sont pas respectées et
qu’elles devraient être alignées sur les seuils de l’Organisation mondiale de
la santé.
Vue sur la
zone protégée du Marais-Vernier et la zone industrielle de
Port-Jérôme-sur-Seine (Normandie), le 23 août. JOEL SAGET / AFP
La législation
européenne sur la qualité de l’air a certes permis de réduire globalement les
niveaux de pollution depuis le début du siècle mais elle a échoué dans son
objectif principal : protéger la santé des citoyens. Telle est la
conclusion de l’évaluation menée par la Commission européenne sur les
directives de 2004 et de 2008 sur la qualité de l’air. Issu d’un processus
d’analyses et de consultations qui a duré environ deux ans, ce document de
160 pages a été rendu public vendredi 29 novembre. Très attendu, il
doit servir de feuille de route à la nouvelle Commission – qui entre en
fonctions dimanche 1er décembre – pour réviser lesdites directives et adopter des normes plus contraignantes et donc plus protectrices.
La pollution de l’air continue à être le « problème
numéro un de santé liée à l’environnement » au sein de
l’Union européenne avec « plus de 400 000
morts prématurés par an », admet d’emblée la Commission dans son rapport. En France,
le nombre de morts imputés aux particules fines et au dioxyde d’azote (NO2) oscille entre 48 000 et 67 000 par an selon
les méthodes de calcul. En outre, les preuves scientifiques s’accumulent sur
les multiples effets délétères de la pollution. Asthme, cancer du poumon,
infarctus, accident vasculaire cérébral, prématurité… la liste des pathologies liées à l’exposition à un air
détérioré ne cesse de s’allonger. https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/03/12/la-pollution-de-l-air-tue-deux-fois-plus-que-prevu_5435029_3244.html)
Depuis 2000, les niveaux de
pollution ont baissé de 10 % à 70 % (principalement pour des métaux
lourds comme l’arsenic ou le mercure) mais pour plusieurs polluants, tels les
particules fines, le NO2 ou
l’ozone, les normes sont encore largement dépassées dans nombre de pays de
l’UE. Fin
octobre, la Cour de justice de l’UE a ainsi condamné la France (https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/10/24/la-france-condamnee-pour-depasser-de-maniere-systematique-et-persistante-le-seuil-limite-annuel-de-dioxyde-d-azote-depuis-2010_6016735_3244.html) pour
des dépassements répétés, depuis 2010, de la valeur limite annuel pour le NO2, un gaz très toxique émis principalement
par les véhicules diesel et qui intoxique les habitants des grandes
agglomérations.
Les
particules fines et ultra-fines à cibler en priorité
« Deux lacunes contradictoires
subsistent », souligne le rapport. D’une part, l’insuffisance des mesures
prises par les Etats pour respecter les normes existantes. D’autre part,
l’inadéquation de ces normes avec les avis scientifiques qui exigent de les
durcir en les alignant sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la
santé (OMS). C’est particulièrement vrai pour les particules fines PM2,5 (de
diamètre inférieur à 2,5 micromètres), les plus dangereuses car elles
pénètrent profondément les voies respiratoires. Ainsi la limite d’exposition
annuelle est fixée à 25 µg/m3 par
l’UE contre 10 µg/m3 pour
l’OMS. Et les PM 2,5 ne font l’objet d’aucune limite d’exposition journalière
quand l’OMS fixe un seuil de 25 µg/m3 à
ne pas dépasser sur vingt-quatre heures. Sur la base de plusieurs publications
scientifiques, l’OMS se prépare à réviser ses limites pour les particules fines
afin de les rendre encore plus strictes.
En
outre, de nouveaux polluants sont apparus dans les radars depuis la directive
2008. Les particules ultrafines (inférieures à 100 nanomètres) sont celles qui
inquiètent le plus les autorités sanitaires. Dans un avis rendu en juillet,
l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement
et du travail (Anses) a sonné l’alerte, indiquant qu’il fallait les « cibler
en priorité ». Aujourd’hui, elles ne font l’objet d’aucune
norme.
« Le
“green deal” doit inclure une stratégie zéro pollution »
Ursula
von der Leyen, la nouvelle présidente de la Commission européenne, a promis de
faire du climat la grande priorité de son mandat. Elle doit présenter son « green
deal » le 11 décembre. Une version non définitive a
fuité, vendredi 29 novembre. En matière de qualité de l’air figure
l’objectif de « parvenir à une plus grande convergence entre la
législation de l’UE et les lignes directrices de l’OMS ». Le
vice-président Frans Timmermans, chargé du « green deal » et
commissaire à la lutte contre le changement climatique, s’est aussi déclaré
favorable à l’alignement des normes européennes sur celles de l’OMS.
« La
nouvelle Commission européenne ne doit pas perdre de temps pour s’attaquer au
fardeau sanitaire que représente la pollution de l’air, réagit
Anne Stauffer, de l’Alliance pour la santé et l’environnement, ONG européenne
regroupant plus de 70 organisations spécialisées dans les questions de
santé-environnement. Le “green
deal” doit
inclure une stratégie zéro pollution et un calendrier pour la mise à jour des
normes actuelles en fonction des recommandations de l’OMS. Chaque jour de
retard, ce sont des gens qui continuent à souffrir. »
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