mardi 17 mai 2022

"Être paré pour envisager le pire"

 

  • MARDI 17/05/2022 à 08H27
  •  SOCIÉTÉ
  • ARLES,MARTIGUES

Martigues :

"Être paré pour envisager le pire"

C'est parti pour Domino, exercice de sécurité civile géant pour mieux affronter une vraie catastrophe

Par Pascal Stella




PC de crise et hôpital de campagne, un grand barnum s'installe sur le parking de la Halle pour Domino 22. Toutes les autorités françaises mais aussi d'Europe auront les yeux braqués sur Martigues

.PHOTO P.S.

 

Mayday, mayday ! Les messages d'alerte vont se multiplier sur les bords de l'étang, presque centre du monde durant 48 heures chrono. Deux jours à être la capitale du risque et de la résilience. Ce n'est pas que le ciel va nous tomber sur la tête à partir de ce matin, mais on nous promet un branle-bas de combat hors norme pour un exercice de sécurité civile de grande ampleur à Martigues, Fos et Châteauneuf.

Hier déjà, ça ressemblait à une veillée d'armes sur le parking de la Halle. Un vaste barnum connecté à des immenses paraboles, derrière le "Magec", ce mastodonte "Module d'appui à la gestion de crise". Un PC de crise de la sécurité civile en fer de lance, aux côtés des engins du Sdis 13 et des 4x4 aux couleurs du CCFF entre autres Marins-Pompiers sur le pied de guerre. Des forces vives autour de ces trois tentes blanches comme un hôpital de campagne. La chronique d'une catastrophe annoncée, dans un effet "Domino", le nom de code d'une mission sans précédent.

"Nous n'avons jamais eu un exercice d'une telle ampleur", ne ne cachent pas les autorités autour d'Alain Thirion, directeur général de la Sécurité civile et de la gestion des crises. Pas de confinement prévu dans les foyers ni l'anxiété d'une vraie catastrophe mais des évacuations ciblées quand même dans des établissements recevant du public et 148 écoles dans le jeu, avec un nouveau système d'alerte à la population en test (lire ci-dessous). Un exercice géant, piloté par l'Etat, au bout d'un million d'euros quand même, et une préparation de plus d'un an. Un millier de professionnels, toute une armée de secours nationaux mais aussi européens avec des détachements venus d'Allemagne, d'Autriche, Belgique et d'Espagne. Une alerte générale entre terre et mer. Une sorte de chaos sur un "théâtre d'opérations assez remarquable" dixit les experts. Un territoire qui concentre presque toutes les problématiques de risques, avec une bonne douzaine d'installations classées Seveso et une terre privilégiée des feux de forêts, sans oublier une façade maritime qui peut vite emporter l'homme et virer en marée noire.

Décryptage avant la bataille avec François Pradon, chef d'État-major interministériel de la zone Sud, grand manitou de cette simulation de la muerte, ménageant le suspense dans les pas du préfet Christophe Mirand rappelant que l'"on n'est pas dans une forme de revue générale où tout aurait été préparé et millimétré. Il est important que ce genre d'exercice ménage une part de surprise pour mesurer notre préparation opérationnelle". On va être servi !

Toute une chaîne de sécurité civile sur le pied de guerre pour cette opération "Domino 22", à quoi peut-on s'attendre ? On parle d'un scénario hors norme...
François Pradon :

 On est dans la vraie vie ! Ce sera réaliste dans un effet domino. Tout va partir d'un phénomène naturel avec un enchaînement de difficultés sur d'autres infrastructures chimiques et dangereuses sur la zone de Martigues-Lavéra, Fos et Châteauneuf. Tout cela va avoir des conséquences sur des bâtiments publics et sur la population. Cette crise va aboutir à un exercice de grande

L'élaboration de ce scénario catastrophe vise-t-il à tester ou mettre les équipes en difficulté ?

C'est un mélange des deux. Dans la préparation, il y a tout l'enjeu de l'inter ministérialité, c'est une mutualisation de tous les services et des forces qui sont intégrés dans la réponse. Le scénario est fait pour être testé jusqu'à la rupture de la capacité nationale pour pouvoir entraîner une demande de renforts européens. On a un peu forcé le trait pour que cet exercice soit à la fois réaliste mais qu'il soit capable de mettre en difficulté les équipes pour les tester grandeur nature.

Même si le scénario est "secret-défense", quelles catastrophes pourraient arriver sur un tel territoire ?

On peut être dans un scénario de type Lubrizol avec un impact sur un site chimique ou autre. On peut imaginer par exemple une rupture de canalisation ; soit du gaz, soit une rupture d'enveloppe d'hydrocarbures. Les risques sont pluriels. Tout est possible avec parfois des incidences que l'on ne soupçonnerait pas jusqu'à entraîner des coupures d'électricité.

Domino 22, c'est plusieurs impacts. Une simulation qui va tenir en alerte et en haleine avec des points d'orgue jamais vécus. Ce n'est pas que les équipes de secours qui sont mobilisées, mais on va aussi tester la résilience de la population avec Fr Alert pour observer les réactions. Même s'il n'y aura pas de confinement, c'est un vrai lien avec la population. Il y aura 200 observateurs aussi. On va jauger la réactivité des équipes de secours et la complémentarité française et européenne. On aura un grand retour d'expérience en novembre-décembre pour tirer les leçons de Domino 22.

L'ouest de l'étang semble le laboratoire parfait pour avoir un panel de tous les risques...

Il y a énormément de risques dans les Bouches-du-Rhône. Nous travaillons pour être en harmonie, être en sécurité autour de ce tissu industriel, vecteur d'emplois et poumon économique, mais être paré pour envisager le pire. C'est ce que nous faisons avec Domino. S'entraîner pour avoir les bons réflexes.

Outre le système "FR Alert", y aura-t-il des nouveaux moyens de lutte qui seront testés pour la sécurité civile sur cette opération ?

Il y a déjà une complémentarité avec les autres pays européens, qui ont leurs laboratoires. On va les confronter avec les nôtres. La partie technique de chaque élément étranger va nous permettre de nous situer, juger nos passerelles en condition du réel. Sans dévoiler l'exercice, on aura des moyens nationaux très importants notamment pour la réponse en mer avec des pompiers du pas de Calais, en renfort du Sdis 13, et le bataillon de marins pompiers de Marseille. Ce sont des moyens hors norme et une réponse qui, heureusement, ne sont pas utilisés tous les jours ! C'est l'occasion de le tester et savoir si l'entraînement va payer dans un exercice d'une telle ampleur. Il y a une vraie logique d'anticipation pour ne pas attendre que les situations se présentent. Plus on se prépare, plus on anticipe, plus on réduira le risque et on protégera les populations.

Comment vos téléphones vont servir à vous alerter du danger

"Une avancée technologique essentielle par rapport au système des sirènes, aussi important que quand on est passé du tocsin à la sirène". C'est dans ces mots que le directeur général de la Sécurité civile Alain Thirion a commenté la "révolution". Le tout nouveau système d'alerte à la population baptisé "Fr Alert", testé pour la première fois sur ce grand scénario catastrophe de Martigues, Fos et Châteauneuf ce matin.

L'une des leçons de l'incendie de l'usine de produits chimiques Lubrizol, à Rouen en septembre 2019.Un dispositif de "cell broadcast", de diffusion cellulaire, qui permet par le bornage des téléphones portables d'envoyer d'office des messages ciblés lors d'une crise. Des consignes en temps réel sur tous les téléphones situés dans une même zone sans que le propriétaire n'ait à installer la moindre application.

Message prioritaire

"Un message prioritaire et un dispositif universel, très sectorisé, qui prend la main sur tous les messages" décrypte encore le directeur général de la Sécurité civile c'est-à-dire qu'il peut déjouer une éventuelle saturation des réseaux. Un dispositif qui "force le silence" expliquent les autorités. En clair, des SMS qui "feront du bruit", chaque riverain pourra recevoir une notification accompagnée d'un signal sonore spécifique, même si le téléphone portable est en mode silencieux.

Petit bémol, si cette technologie permettra à terme de joindre "l'intégralité des téléphones, à partir du 30 juin 2022, le temps d'une mise à jour d'Apple", a rappelé le préfet, seuls les clients de téléphone Android recevront les alertes pour l'heure sur l'exercice Domino. Les détenteurs d'iPhone sont pour l'heure exclus du dispositif. "C'est dommage de ne pouvoir être alerté que sur Samsung", soufflera le président du Sdis 13, Richard Mallié qui n'aura pas manqué de mettre les pieds dans le plat. Simple contretemps avant la généralisation cet été. Même sur les iPhones...

 

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