Pollution industrielle à Fos :
Les plaignants en
cour d’Appel
Sur les 18 assignations de riverains visant
quatre industriels pour "troubles anormaux du voisinage", déboutés en
première instance,
six sont examinés ce mardi en appel à Aix.
Il est des combats qui peuvent épuiser ses
combattants. Daniel Moutet, le président de l’association de défense et de
protection du littoral du Golfe de Fos (ADPLGF) n’en fait pas partie. Ce mardi
13 février, se tiendra une audience devant la cour d’Appel d’Aix-en-Provence.
Elle sera chargée d’examiner les assignations de six riverains "qui
espèrent, cette fois, que la justice reconnaîtra enfin les préjudices subis du
fait de leur exposition quotidienne à la pollution industrielle, qui dépasse
largement le seuil de tolérance acceptable et ce, ’même’ dans le Golfe de
Fos", explique maître Julie Andreu
. "La conséquence de choix de
société"
Rappelons que le 4 juillet 2022, ces six
riverains des sociétés ArcelorMittal Méditerranée, Esso Raffinage, Dépôts
pétroliers de Fos et Kem One, à Fos et Martigues, étaient déboutés par le
tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, de leurs demandes au titre des
"troubles anormaux du voisinage". Ce sont donc ces six dossiers-là
qui feront l’objet d’un examen ce mardi en cour d’Appel. "Dans une série
de jugements vivement critiqués par les plaignants, reprend Mm Andreu, le
tribunal considérait que la situation sanitaire et environnementale du Golfe de
Fos n’est que la ’conséquence prévisible et donc normale des choix de société
effectués depuis plusieurs décennies, et qu’elle doit donc être considérée
comme ne présentant aucun caractère anormal, quand bien même entraînerait- elle
des troubles considérés comme anormaux dans la majeure partie du reste du
territoire national." Ainsi, poursuit l’avocate, "le destin des
habitants de la région du Golfe, ’choisie, en raison de son emplacement
géographique, pour être un des principaux sites nationaux de développement
industriel’, est scellé par les choix économiques effectués il y a plus de 50
ans, au détriment de leur santé !" "Nous débouter ainsi en disant qu’on
connaissait la pollution quand on est venu à Fos, c’est faux, reprend Daniel
Moutet. Moi, je suis arrivé en 1984 et jamais personne ne nous a mis en garde !
Aujourd’hui, oui, les notaires ont l’obligation d’informer sur les risques
encourus. Une telle réponse ne peut pas tenir devant un tribunal !" Le
président d’ADPLGF se dit confiant dans son avocate mais pas dans la justice.
Me Andreu avoue être bien plus confiante : "On a tellement d’éléments qui
démontrent qu’on n’est pas dans une situation normale ! Si on ne gagne pas ce
procès, on n’en gagne aucun autre !" D’autant que le dossier s’est épaissi
de multiples incidents depuis 2022, comme la tentative de l’inspection du
travail de faire arrêter le travail à ArcelorMittal. "La décision du
tribunal judiciaire était plus politique que juridique, balaie Julie Andreu. On
a fait de Fos un territoire d’exception mais personne n’a signé pour développer
quatre cancers ! Personne ne veut mourir ! La marche de cette zone industrielle
n’est pas normale ; les riverains sont régulièrement confrontés à des
situations de dépassement des seuils alors que, dans le même temps, ces
industries bénéficient déjà de dérogations." "Une santé
dégradée" Pour étayer son dossier, l’avocate a sous le bras les résultats
de nombreuses études locales dressant un alarmant constat : "Celui d’un
environnement imprégné en polluants et d’une santé dégradée." Au total, ce
sont 18 riverains qui ont assigné au civil. Les six premiers dossiers sont
plaidés ce mardi, un autre le sera la semaine prochaine et les convocations
pour les derniers dossiers ne sont pas encore parvenues. Par ailleurs, 250 riverains
ont également déposé plainte au pénal, il y a trois ans. "Voilà deux ans
que ces plaintes sont entre les mains de la juge d’instruction et je pense
qu’on arrive au bout." En revanche, pour la procédure civile, quel que
soit le délibéré, les parties devraient se retrouver en cour de cassation :
"S’ils gagnent en appel, annonce Daniel Moutet, on ira en cass’." "Et si on gagne, relève Me Andrieux, ce
sont les industriels qui iront."
Audrey
LETELLIER aletellier@laprovence.com
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