"Le virus fait toujours
aussi peur"
Crainte de nouveaux foyers de contamination,3 cas Covid en
pneumologie,
l’hôpital reste sur ses gardes
Le ton
est posé, calme, comme toujours avec Barthélémy Mayol. Mais le directeur de l’hôpital
de Martigues est plus que jamais sur ses gardes. Si la tempête de l’épidémie
est passée, la page du Covid est tout sauf tournée pour les soignants, avec
trois patients en pneumologie et des cas suspects Covid aux urgences çà et là.
Après le
dépistage de trois cas positifs en mairie de Martigues la semaine dernière (La
Provence du 25&26 juin), c’est autant de piqûres de rappel qui prouvent
que le territoire reste sur la corde raide.
Le DG
implore "la prudence", en lançant un rappel pour le respect des
gestes barrières et le recours aux masques dans la promiscuité. "Ce
que l’on craint, c’est d’avoir des foyers de contamination", ne
cache pas le directeur, au nom d’un hôpital toujours mobilisé. "C’est
tout sauf fini, dit-il. Avec un virus qui circule toujours".
Et des défis à relever encore pour "retrouver des créneaux de
consultations raisonnables" et affronter une saison d’automne
incertaine…
Entretien.
❚ Pour faire face au coronavirus, l’hôpital de Martigues a dû arrêter
la prise en charge de certains services. Le CHM a-t-il repris un rythme normal?
Depuis la fin du confinement, on a repris
progressivement toutes nos activités. Que ce soit l’hospitalisation, les
consultations ou les activités de bloc opératoire…
Le fonctionnement est redevenu à la normale à ce
niveau, sauf que nous maintenons toujours le système de
douane, un filtrage pour que les gens puissent rentrer à
l’hôpital avec un masque, que ce soit dans les services des urgences
ou de l’hôpital en général.
On avisera la semaine prochaine, avec la levée de
l’état d’urgence, si on maintient ce dispositif ou pas. Les visites sont
ouvertes depuis une quinzaine mais on maintient une limitation d’entrée à l’
Ehpad du Vallon, la prunelle de nos yeux avec des personnes fragiles, jusqu’au 6
juillet.
On a toujours une unité d’hospitalisation
disponible pour l’accueil de patients Covid.
❚ Cela signifie-t-il que c’est tout sauf fini ?
La question du cluster, ces foyers de
contamination, est ce qui nous préoccupe le plus aujourd’hui. On a eu des
foyers en pays d’Arles (157 cas avérés, parmi des travailleurs
agricoles testés positifs à Noves e t à Maillane, Ndlr), des foyers
émergents qui imposent une vigilance absolue. D’où notre unité disponible au
cas où on serait confronté à un cluster.
❚ Avez-vous de nouveaux cas hospitalisés à Martigues
?
On a
toujours des patients hospitalisés, trois cas en pneumologie et toujours des
cas suspects aux urgences. Il faut continuer à être attentif à cette situation.
Le virus est toujours là, partout sur notre territoire.
❚ Martigues a eu une alerte avec 3
cas Covid en mairie justement… 3 chez vous, ce sont autant de piqûres de rappel
?
Pour le
coup, en mairie, c’est bien un virus "autochtone" si on peut dire. Ce
ne sont pas des gens qui sont allés loin ou qui l’ont ramené. C’est l’exemple qui
rappelle que le virus est toujours présent à Martigues. Il faut continuer à
faire les gestes barrières, se laver les mains, porter le masque et faire
attention.
Ça peut
arriver partout, nous avons des origines géographiques de patients très
diverses. Je me répète, le virus est
toujours là.
❚ Y a-t-il toujours une crainte de
la seconde vague?
Pas pour
la période estivale. Ce que l’on craint, nous, c’est un cluster, un foyer de
contamination. On craint d’avoir beaucoup de patients positifs sur un lieu de
rassemblement, parce qu’ils auraient été dans des conditions de proximité particulière.
S’il
doit y avoir une deuxième vague, on le saura plutôt à l’automne.
❚ Vous ne l’écartez donc pas ?
À
l’automne, on sait qu’il y aura la grippe. Avec des symptômes similaires, il
faudra démêler le vrai du faux et prendre en charge les cas Covid.
On s’y
prépare Notre combat, et notre travail, c’est d’avoir des tests suffisants et
d’augmenter nos capacités de dépistage, pour trancher rapidement si c’est la grippe
ou Covid. On a fait 800 tests PCR depuis le week-end de
Pâques au laboratoire de
l’hôpital, après avoir externalisé dans des labos privés ou à l’IHU.
❚ Pouvez-vous dresser un bilan de
la crise ?
Le
diagnostic reste toujours très compliqué à faire, même avec les tests, on n’a
pas toujours la certitude d’avoir affaire à un patient Covid. On a accueilli
environ 140 patients qui ont exigé une hospitalisation depuis le début la
crise. Plus d’une quarantaine de séjours de réanimation, une quinzaine en soins
intensifs de cardiologie et on déplore 23 décès.
❚ aujourd’hui, est-ce qu’on l’appréhende
mieux?
On sait
l’appréhender mais ce virus fait toujours aussi peur. On
sait mieux le traiter, on
sait mieux le diagnostiquer qu’il y a trois mois, on le connaît mieux.
On
connaît ses effets secondaires, même s’il y a beaucoup
à dire sur ce sujet, mais
ce virus, il fait toujours aussi peur (Il insiste), avec des gens qui sont
inquiets. Paradoxalement, on ressent un certain relâchement. Après le
confinement, l’envie de vivre normalement est plus
forte, mais il faut
mettre des barrières. Le cluster de la mairie doit nous inciter à la prudence.
❚ Est-ce qu’il y a encore de la crainte
chez certains patients de revenir en consultation ?
On les a
retrouvés. Maintenant, c’est plus compliqué de leur donner des rendez-vous dans
des délais raisonnables.
On a des services hospitaliers en difficulté. Certains patients, sur des
maladies chroniques, ont attendu
trop longtemps.
La deuxième vague, c’est
ça. Comme en psychiatrie, avec une crise douloureuse psychologiquement, des
pertes d’emploi… qui créent un afflux de consultation. Ça nous préoccupe. Il
faudra du temps pour revenir à la normale.
❚ Avez-vous déjà estimé le coût de
cette crise pour l’hôpital?
On
commence à faire les comptes, on a surtout géré la crise. Les premières
estimations relèvent un investissement d’environ 500 000 € dans l’achat d’équipements
et de matériels.
On va
faire remonter d’ici cet été ces comptes auprès de l’ARS et du Ministère pour
pouvoir être remboursé de ces dépenses- là, comme des heures supplémentaires.
On a payé la prime Covid pour le personnel hospitalier (1 500 €),
l’État nous a versé 70% pour l’heure. Les pouvoirs publics ont maintenu les
dotations. Pour le reste, tout a été mis entre parenthèses, le Covid nous a
arrêtés dans notre développement brutalement. Il faut reprendre nos
fonctionnements, se préparer à une autre situation éventuelle de crise, prendre
en charge les patients que l’on n’a pu gérer avant. On reste mobilisé.
❚ Les soignants, "ces
héros" ont-ils commencé à souffler un peu?
Le
personnel ne s’est pas réellement reposé encore. Il faut évacuer le stress et
la pression, la fatigue, l’été ne sera pas de trop pour des congés, que les
soignants évacuent. Ça ne passera pas vite… Tout en ayant à l’esprit que l’on
n’a pas tourné la page.
Pascal STELLA
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