06/08/2021
L'Etat condamné pour la pollution de I ‘air :
« Une illustration du gouvernement des juges »
FIGAROVOX/TRIBUNE
–
Le Conseil d'État a condamné
l'État à verser 10 millions d'euros à des associations militantes, estimant que
le gouvernement n'a pas pris les mesures suffisantes pour limiter la pollution de
I ‘air. La judiciarisation de l'action gouvernementale est à son comble, s'inquiète
I ‘universitaire Christian Saint-Étienne.
Par Christian
Saint-Etienne
Publié hier
à 15 :48,
Mis à jour
hier à 16 :04
Christian Saint-Étienne est professeur émérite au Conservatoire National
des Arts et Métiers - Chaire d'Économie industrielle. Son dernier livre « Le Libéralisme
stratège » a été publié aux Editions Odite Jacob. Son site et son compte-twitter.
Le combat pour le pouvoir entre le Politique et les Juges est récurrent en
France depuis des siècles. Sous I’ Ancien Régime, les Juges ont affaibli le
pouvoir royal à plusieurs reprises. La Ve République, au contraire, avait
essayé de limiter le pouvoir judiciaire au profit de l'Exécutif. Or une double jurisprudence,
européenne et nationale, contraint aujourd'hui l'action politique non plus
seulement en légalité, ce qui est le propre du Juge, mais aussi, de plus en
plus ouvertement, en opportunité.
Cette dérive vient d'être illustrée, qui plus est un 4 août, par un
arrêt du Conseil d'État qui condamne l'État à verser 10 millions d'euros à l'association
Les Amis de la Terre ainsi qu'à plusieurs organismes et associations engagés dans
la lutte contre la pollution de I ‘air.
En juillet 2O2O, le Conseil d'État avait « ordonné » au
gouvernement d'agir pour améliorer la qualité de l'air dans plusieurs zones en France,
sous peine d'une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard. « Si des
mesures ont été prises, le Conseil d'État estime aujourd'hui qu'elles ne permettront
pas d'améliorer la situation dans le délai le plus court possible/e, car la mise
en œuvre de certaines d'entre elles reste incertaine et leurs effets n'ont pas été
évalués. C'est pourquoi il condamne l'État à payer l'astreinte de 10 millions
d'euros â l’association Les Amis de la Terre (...). Le Conseil d'État évaluera les
actions du Gouvernement pour le second semestre de l'année 2021 au début de
l'année 2022 et décidera si t'Etat devra verser une nouvelle astreinte>>,
explique le Conseil d'État dans le communiqué de presse qui présente son arrêt.
Seul le Législatif
peut écrire la loi et dicter des obligations au gouvernement.
Christian
Saint-Étienne
Il apparaît clairement que le Juge administratif ne juge pas ici en légalité
mais en opportunité.
Projetons-nous dans un autre contexte. Une association d'Anciens combattants
aurait pu faire condamner l'État en 1871 pour ne pas avoir équipé nos soldats de
mitrailleuses dans la guerre de 1870, comme les armées allemandes qui avaient observé
- ainsi que des attachés militaires français -leur usage, aux Etats-Unis, pendant
la Guerre de Sécession. En 1941, la même association aurait fait condamner les parlementaires,
dont au moins un tiers de l'opposition, et qui pourra, à la majorité qualifiée,
annuler une décision du Conseil constitutionnel et un arrêt de la Cour de cassation
ou du Conseil d'Etat.
Il ne s'agit pas de dupliquer les dérives des pays d'Europe centrale qui
veulent s'attaquer à l'État de droit au bénéfice d'un gouvernement, mais de rétablir
la séparation des pouvoirs avec un outil - le Tribunal parlementaire - qui permette
de casser ce que I ‘on peut nommer le pouvoir de <<double opportunité » des
juges.
On nommera pouvoir de <<simple opportunité » la capacité des juges
d'évaluer si un agent de l'État ou une collectivité a respecté ou non la loi au
sens de ne pas faire ce qui est interdit, voire de faire ce qui est
explicitement ordonné par la loi sous forme de mesures spécifiques édictées, mesure
par mesure, par la loi elle-même. Mais seul un Office parlementaire peut <<évaluer
»> des politiques - « pouvoir de double opportunité » - en fonction d'objectifs
généraux fixés par la loi.
Enfin, dans cette affaire, le Conseil d'État condamne l'État à payer une
somme à une Association, ce qui va conduire à la multiplication des
contentieux. À ce propos, une loi devrait prévoir que toute condamnation de « l’État
» sera complétée par I ‘expression <<donc le contribuable ». On condamne « l'État
- donc le contribuable » à verser des sommes à des intérêts privés. L'État, sur
le plan financier, n'est qu'une fiction, ce que les Juges ont apparemment
oublié.
L’État pour ne pas avoir constitué des divisions blindées face à I
‘armée allemande et ce d'autant plus qu'un colonel français, de Gaulle, avait
défendu cette nouvelle approche.
De même, aujourd'hui, une association militant en faveur de la «
réindustrialisation de notre économie » » pourrait faire condamner l'État pour avoir
mis en œuvre[sp1] les 35 heures
en 2000-2002 et ne pas avoir retardé l'âge de départ à la retraite à 65 ans, deux
mesures qui sont massivement responsables d'un coût du travail qui bloque notre
compétitivité. Ainsi de suite.
Il convient d'ouvrir ici un débat, non de sémantique juridique, mais de
stratégie politique dans le cadre du régime de la démocratie libérale représentative
avec séparation des pouvoirs. Seul le Législatif peut écrire Ia loi et dicter
des obligations au gouvernement. Celui-ci, dans le cadre de l'État de droit ainsi
institué, essaie de faire progresser Ia situation économique, sociale, environnementale,
militaire et diplomatique du pays du mieux qu'il peut, en commettant des erreurs
mais aussi en enregistrant des réussites sur la durée.
Il n'appartient donc pas au Juge d'évaluer les politiques gouvernementales
mais à un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques d'en juger,
sous le contrôle des représentants élus du peuple. À condition que cet Office
existe, évidemment, ce qui n'est pas le cas. Il faut le créer en urgence, par
une révision constitutionnelle parlementaire.
Il faut casser la dérive vers le pouvoir de Juges non élus.
Créons dans
la Constitution un tribunal parlementaire de 60 membres qui, à la majorité
qualifiée, aura le droit d'annuler une décision du Conseil Constitutionnel et
un arrêt de la Cour de Cassation ou du Conseil d'État
Christian
Saint-Étienne
Mais il faut aller plus loin si l'on veut casser Ia dérive vers le
pouvoir de Juges non élus. Cette révision devrait être mise à profit pour créer
dans la Constitution un tribunal parlementaire de 60 membres (moitié Assemblée nationale
et moitié Sénat et en proportion de tous les partis) pouvant être saisi par Le gouvernement
ou 150
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