vendredi 2 août 2024

ces sentinelles qui protègent la forêt

 

À Martigues, ces sentinelles qui protègent la forêt

Depuis 2021, la Ville finance deux centres équestres pour qu’ils surveillent le massif de la Côte Bleue tout l’été. Patrouille avec deux cavalières de l’écurie des crinières d’Ange.

Les cavaliers qui participent aux brigades sont payés 23 euros de l’heure. Ils ont interdiction de patrouiller en cas d’alerte rouge incendie. Photos A.M.

Nichée au cœur de la vallée de Saint-Pierre, entre mer et collines, l’écurie des crinières d’Ange a tout d’un petit havre de paix. Les chevaux se reposent à l’ombre de l’abri de leur paddock individuel, les poules déambulent en liberté et les propriétaires vaquent tranquillement à leurs occupations. Mais cette quiétude est fragile. En témoignent les souches d’arbres visibles à l’arrière du centre équestre qui portent encore les stigmates de l’incendie ravageur du 4 août 2020.

En deux jours, attisées par un mistral soufflant à plus de 90 km/h, les flammes dévorent plus de 1 000 hectares à Martigues, soit 10% du territoire de la commune. Au total, 1 200 vacanciers sont mis à l’abri et 480 personnes évacuées par la mer. Fort heureusement, aucun blessé n’est à déplorer, mais les dégâts matériels sont nombreux. Le camping Les Tamaris est entièrement détruit, tout comme une partie du camping Lou Cigalon.

C’est après cet épisode dévastateur que la Ville décide d’instaurer des patrouilles à cheval dans le massif en finançant le club hippique de la Côte Bleue et l’écurie crinières d’Ange du 1er juillet au 31 août. « Le centre équestre municipal de Figuerolles s’occupe de la surveillance du massif de Castillon », précise la direction du service environnement.

Pour l’écurie de Saint-Julien, participer à ces rondes relève de l’évidence, tant l’incendie a laissé des traces. « Les flammes ont léché les barrières des paddocks », raconte Alice Pigeon, professeure d’équitation et référente des rondes. Evelyne Lopez, la propriétaire des lieux, se remémore non sans mal : « J’ai eu l’impression de vivre une guerre avec beaucoup de violence, de la panique à bord, des animaux dans la fumée... J’ai perdu une de mes ponettes qui avait cinq ans. À côté de ça mon quartier a été évacué, ma maison a failli y passer. »

La sensibilité des chevaux

Alors les deux femmes mettent tout en œuvre pour éviter qu’un drame pareil ne se reproduise. Depuis le début de l’été, tous les lundis, mercredis et samedis, Alice Pigeon part en patrouille sur sa jument Princesse avec un ou une seconde cavalière. Ce lundi 29 juillet, c’est Lena qui l’accompagne. Avec leur t-shirt blanc « brigade équestre », les deux jeunes femmes sont facilement identifiables.

En fin d’après-midi, c’est le grand départ. « On part à cette heure-là parce que les pyromanes ont tendance à mettre le feu juste avant la nuit, explique la responsable des rondes, par ailleurs réserviste au sein de la Garde républicaine. Ils savent que les Canadairs ne peuvent pas voler la nuit et qu’ils pourront regarder les flammes se propager. »

Le parcours, choisi et tracé par ses soins pendant l’hiver, s’enfonce dans la pinède de la vallée de Saint-Pierre sur une boucle d’un peu plus de 8 km. Le bruit des cigales couvre le craquement des branches qui cèdent sous les sabots des chevaux. « C’est tellement sec qu’il suffit d’un rayon de soleil sur un bout de verre pour que tout s’embrase », remarque la cavalière.

Après quelques centaines de mètres, le sentier rétrécit et devient escarpé. « L’avantage, c’est qu’on peut aller dans des endroits où la voiture ne peut pas passer, souligne Evelyne Lopez. D’autant que nos montures ressentent tout, elles sont capables de voir des mouvements qu’on ne décèle pas. »

De la prévention et des signalements

Après avoir passé le château d’Agut et grimpé une dernière côte, Alice et Léna prennent une petite pause pour boire un coup en profitant de la vue. Devant elles, la Méditerranée, Sausset-les-Pins et tout à fait à gauche Marseille et les îles du Frioul. « Il y a pire comme job », reconnaît la professeure d’équitation en souriant.

Après une heure de patrouille, les cavalières n’ont croisé qu’un cycliste. « C’est la première année, depuis le Covid, que j’observe une baisse des activités extérieures », confie Alice. Peu importe le monde, pour Evelyne le simple fait de rassurer les habitants est utile. « On montre qu’on est présents, développe-t-elle. Ça met les gens en confiance de savoir qu’on est là au cas où il y aurait un départ de feu. Les riverains sont ravis de nous voir. »

Alice a pris l’habitude de rappeler les règles de bonne conduite aux promeneurs qu’elle croise, aussi rares soient-ils. Car au-delà de l’effet dissuasif auprès des personnes mal intentionnées, l’intérêt des tournées est aussi de faire de la prévention et de la sensibilisation pour éviter tout comportement inapproprié.

À chaque fin de patrouille, la référente rédige un rapport qu’elle envoie au service environnement, à la police municipale et aux pompiers de Martigues. « Ça permet de nous faire remonter des informations sur l’ambiance dans le massif, de savoir s’il y a des incivilités, des nuisances, explique un technicien. On a par exemple une problématique avec les motocross. On a aussi pas mal de remontées sur les déchets, ce qui nous permet de réagir rapidement et nettoyer. Ces tournées vont bien au-delà du risque incendie. »


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