À
Martigues, ces sentinelles qui protègent la forêt
Depuis 2021, la Ville
finance deux centres équestres pour qu’ils surveillent le massif de la Côte
Bleue tout l’été. Patrouille avec deux cavalières de l’écurie des crinières
d’Ange.
Les cavaliers qui participent aux brigades sont payés
23 euros de l’heure. Ils ont interdiction de patrouiller en cas d’alerte
rouge incendie. Photos A.M.
Nichée au cœur de la vallée
de Saint-Pierre, entre mer et collines, l’écurie des crinières d’Ange a tout
d’un petit havre de paix. Les chevaux se reposent à l’ombre de l’abri de leur
paddock individuel, les poules déambulent en liberté et les propriétaires
vaquent tranquillement à leurs occupations. Mais cette quiétude est fragile. En
témoignent les souches d’arbres visibles à l’arrière du centre équestre qui
portent encore les stigmates de l’incendie ravageur du 4 août 2020.
En deux jours, attisées par
un mistral soufflant à plus de 90 km/h, les flammes dévorent plus de
1 000 hectares à Martigues, soit 10% du territoire de la commune. Au
total, 1 200 vacanciers sont mis à l’abri et 480 personnes
évacuées par la mer. Fort heureusement, aucun blessé n’est à déplorer, mais les
dégâts matériels sont nombreux. Le camping Les Tamaris est entièrement détruit,
tout comme une partie du camping Lou Cigalon.
C’est après cet épisode
dévastateur que la Ville décide d’instaurer des patrouilles à cheval dans
le massif en finançant le
club hippique de la Côte Bleue et l’écurie crinières d’Ange du 1er juillet
au 31 août. « Le centre équestre municipal de Figuerolles s’occupe
de la surveillance du massif de Castillon », précise la direction du
service environnement.
Pour l’écurie de
Saint-Julien, participer à ces rondes relève de l’évidence, tant l’incendie a
laissé des traces. « Les flammes ont léché les barrières des
paddocks », raconte Alice Pigeon, professeure d’équitation et
référente des rondes. Evelyne Lopez, la propriétaire des lieux, se remémore non
sans mal : « J’ai eu l’impression de vivre une guerre avec
beaucoup de violence, de la panique à bord, des animaux dans la fumée... J’ai
perdu une de mes ponettes qui avait cinq ans. À côté de ça mon quartier a été
évacué, ma maison a failli y passer. »
La sensibilité des chevaux
Alors les deux femmes
mettent tout en œuvre pour éviter qu’un drame pareil ne se reproduise. Depuis
le début de l’été, tous les lundis, mercredis et samedis, Alice Pigeon part en
patrouille sur sa jument Princesse avec un ou une seconde cavalière. Ce lundi
29 juillet, c’est Lena qui l’accompagne. Avec leur t-shirt blanc
« brigade équestre », les deux jeunes femmes sont facilement
identifiables.
En fin d’après-midi, c’est
le grand départ. « On part à cette heure-là parce que les pyromanes ont
tendance à mettre le feu juste avant la nuit, explique la responsable
des rondes, par ailleurs réserviste au sein de la Garde républicaine. Ils
savent que les Canadairs ne peuvent pas voler la nuit et qu’ils pourront
regarder les flammes se propager. »
Le parcours, choisi et
tracé par ses soins pendant l’hiver, s’enfonce dans la pinède de la vallée de
Saint-Pierre sur une boucle d’un peu plus de 8 km. Le bruit des cigales
couvre le craquement des branches qui cèdent sous les sabots des chevaux. « C’est
tellement sec qu’il suffit d’un rayon de soleil sur un bout de verre pour que
tout s’embrase », remarque la cavalière.
Après quelques centaines de
mètres, le sentier rétrécit et devient escarpé. « L’avantage, c’est
qu’on peut aller dans des endroits où la voiture ne peut pas passer, souligne
Evelyne Lopez. D’autant que nos montures ressentent tout, elles sont
capables de voir des mouvements qu’on ne décèle pas. »
De la prévention et des signalements
Après avoir passé le
château d’Agut et grimpé une dernière côte, Alice et Léna prennent une petite
pause pour boire un coup en profitant de la vue. Devant elles, la Méditerranée,
Sausset-les-Pins et tout à fait à gauche Marseille et les îles du Frioul. « Il
y a pire comme job », reconnaît la professeure d’équitation en
souriant.
Après une heure de
patrouille, les cavalières n’ont croisé qu’un cycliste. « C’est la
première année, depuis le Covid, que j’observe une baisse des activités
extérieures », confie Alice. Peu importe le monde, pour Evelyne le
simple fait de rassurer les habitants est utile. « On montre qu’on est
présents, développe-t-elle. Ça met les gens en confiance de
savoir qu’on est là au cas où il y aurait un départ de feu. Les riverains sont
ravis de nous voir. »
Alice a pris l’habitude de
rappeler les règles de bonne conduite aux promeneurs qu’elle croise, aussi
rares soient-ils. Car au-delà de l’effet dissuasif auprès des personnes mal
intentionnées, l’intérêt des tournées est aussi de faire de la prévention et de
la sensibilisation pour éviter tout comportement inapproprié.
À chaque fin de patrouille,
la référente rédige un rapport qu’elle envoie au service environnement, à la
police municipale et aux pompiers de Martigues. « Ça permet de nous
faire remonter des informations sur l’ambiance dans le massif, de savoir s’il y
a des incivilités, des nuisances, explique un technicien. On a
par exemple une problématique avec les motocross. On a aussi pas mal de
remontées sur les déchets, ce qui nous permet de réagir rapidement et nettoyer.
Ces tournées vont bien au-delà du risque incendie. »
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