dimanche 11 août 2024

les pêcheurs du calen

 

Rencontre avec les pêcheurs du calen de Port-de-Bouc, gardiens de la poutargue

 



Les pêcheurs à la recherche de poissons parcourent la totalité du filet installé sur toute la largeur du canal. Il ne reste plus que deux calens sur le chenal de Caronte.

Photos Victor DIWISCH

Martigues

Tous les mardis de ce mois d'août, le calen de Port-de-Bouc ouvre ses portes aux visiteurs désireux d'en apprendre plus sur cette pêche ancestrale et sur la fabrication de ce produit d'exception.

Sur le Canal de Caronte, juste avant la rade de Port-de-Bouc, les bateaux de plaisance filent à vive allure sans se soucier de ce qui se cache sous la surface. Il faut attendre les gestes d'un pêcheur à quai pour qu'ils ralentissent, parfois avec un peu de confusion.

Un signal qui annonce la remontée prochaine du filet de pêche, submergé sur toute la largeur du canal. Actionné par de petites manettes directement sur le quai, le moteur hydraulique se met en branle et le filet sort de l'eau doucement, tiré par des câbles dans un système de poulie.

Trois pêcheurs s'élancent alors, à bord d'une petite barque, au-dessus de cet énorme filet rouge encore en partie submergé, pour vérifier si des poissons ont été pris au piège dans la remontée.

"Malheureusement pas de muges", soupire Laurent Lopez de retour à quai, devant la dizaine de personnes venues découvrir le calen et la fabrique de la poutargue, véritable caviar martégal, ce mardi 6 août en début d'après-midi. Ils retenteront leur chance quelques minutes plus tard... Pour le même résultat.

À la recherche des œufs de muges

"Ce qu'on recherche ce sont les muges testu (la femelle muge), ce sont les seuls poissons à faire des œufs comme ça", explique Thomas, pêcheur du groupe, en référence à la poutargue, directement fabriquée à partir des poches d'œufs formées à l'intérieur du poisson et récupérées juste avant qu'elles ne soient libérées pour leur fertilisation.

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Un produit cher, près de 200€ le kilo, et rare en raison de la période de pêche qui s'étend de juin à février chaque année, lorsque les muges quittent l'étang de Berre pour frayer dans la mer. Et si la pêche du matin n'a rien donné, Laurent Lopez cherche dans sa petite cuisine une poutargue en train de sécher pour la montrer aux visiteurs et expliquer le processus de fabrication.

"La poche d'œufs est salée puis écrasée entre deux planches avant d'être séchée pendant plusieurs jours, explique-t-il, et on sait si elle est prête à être consommée à l'œil, il n'y a pas de date précise, ça se fait par expérience". Une expérience qui se transmet de père en fils depuis des générations dans une pêche "qui a toujours existé", insistent les pêcheurs en attendant la prochaine levée, assis confortablement à l'ombre des tentures sur le petit quai aménagé.

Dès le XXe siècle, les calens, un mot qui fait référence au mode de pêche mais aussi au filet, étaient nombreux tout le long du canal de Caronte. Pour tous les pêcheurs, l'emplacement des filets était tiré au sort et à l'époque il n'y avait pas de moteur pour les remonter et les transporter, tout se faisait à la main. Aujourd'hui il ne reste plus que deux calens, un en dessous du viaduc de Martigues et celui de Port-de-Bouc.

Ce dernier a d'ailleurs rouvert, pour le bonheur des habitants et des visiteurs, début 2023 après sa fermeture en 2017.

Une pêche saisonnière de complément

"Je viens d'Istres et je ne connaissais pas du tout. Ça nous permet de découvrir cette technique de pêche dans un esprit familial, et en plus c'est gratuit !", note Jean-Luc, inspiré par ce moment au bord du canal. "On apprend sur le mode de pêche et on sait où venir si on veut acheter de la poutargue", ajoute Soraya, venue avec ses deux enfants, Camille et Noé, 7 ans.

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La poutargue est fabriquée et vendue directement dans le calen, auprès de Laurent Lopez et de son équipe, "mais c'est loin d'être notre première source de revenu. On attrape d'autres poissons qu'on vend directement auprès des grossistes, explique-t-il. Ce n'est plus possible de ne vivre qu'avec la poutargue, c'est un complément de la pêche en mer en hiver."

Une réalité qui s'explique en partie par la diminution du nombre de muges dans le canal, "notamment en raison de l'augmentation du taux de sel dans l'étang", estime Laurent Lopez. Et si la poutargue locale se fait plus rare, la technique de pêche ancestrale perdure par le travail de ces pêcheurs.

Visite les mardis 13, 20, 27 août à 14 h 30. Gratuit. 04 42 06 27 28.


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