Rencontre
avec les pêcheurs du calen de Port-de-Bouc, gardiens de la poutargue
Les pêcheurs à la recherche de
poissons parcourent la totalité du filet installé sur toute la largeur du
canal. Il ne reste plus que deux calens sur le chenal de Caronte.
Photos
Victor DIWISCH
Martigues
Tous les mardis de ce mois
d'août, le calen de Port-de-Bouc ouvre ses portes aux visiteurs désireux d'en
apprendre plus sur cette pêche ancestrale et sur la fabrication de ce produit
d'exception.
Sur le Canal de Caronte, juste avant la rade de Port-de-Bouc, les bateaux de plaisance filent à
vive allure sans se soucier de ce qui se cache sous la surface. Il faut
attendre les gestes d'un pêcheur à quai pour qu'ils ralentissent, parfois avec
un peu de confusion.
Un signal qui annonce la
remontée prochaine du filet de pêche, submergé sur toute la largeur du canal.
Actionné par de petites manettes directement sur le quai, le moteur hydraulique
se met en branle et le filet sort de l'eau doucement, tiré par des câbles dans
un système de poulie.
Trois pêcheurs s'élancent
alors, à bord d'une petite barque, au-dessus de cet énorme filet rouge encore
en partie submergé, pour vérifier si des poissons ont été pris au piège dans la
remontée.
"Malheureusement pas de
muges", soupire Laurent Lopez de retour à quai, devant la dizaine de
personnes venues découvrir le calen et la fabrique de la poutargue, véritable
caviar martégal, ce mardi 6 août en début d'après-midi. Ils retenteront
leur chance quelques minutes plus tard... Pour le même résultat.
À la recherche des œufs de muges
"Ce qu'on recherche ce
sont les muges testu (la femelle muge), ce sont les seuls
poissons à faire des œufs comme ça", explique Thomas, pêcheur du
groupe, en référence à la poutargue, directement fabriquée à partir des poches
d'œufs formées à l'intérieur du poisson et récupérées juste avant qu'elles ne
soient libérées pour leur fertilisation.
À lire aussi : Martigues : la poutargue, ce
"caviar" de plus en plus rare...
Un produit cher, près de 200€
le kilo, et rare en raison de la période de pêche qui s'étend de juin à février
chaque année, lorsque les muges quittent l'étang de Berre pour frayer dans la
mer. Et si la pêche du matin n'a rien donné, Laurent Lopez cherche
dans sa petite cuisine une poutargue en train de sécher pour la montrer aux
visiteurs et expliquer le processus de fabrication.
"La poche d'œufs est
salée puis écrasée entre deux planches avant d'être séchée pendant plusieurs
jours, explique-t-il, et on sait si elle est prête à être consommée
à l'œil, il n'y a pas de date précise, ça se fait par expérience". Une
expérience qui se transmet de père en fils depuis des générations dans une
pêche "qui a toujours existé", insistent les pêcheurs en
attendant la prochaine levée, assis confortablement à l'ombre des tentures sur
le petit quai aménagé.
Dès le XXe siècle, les
calens, un mot qui fait référence au mode de pêche mais aussi au filet, étaient
nombreux tout le long du canal de Caronte. Pour tous les pêcheurs,
l'emplacement des filets était tiré au sort et à l'époque il n'y avait pas de moteur
pour les remonter et les transporter, tout se faisait à la main. Aujourd'hui il
ne reste plus que deux calens, un en dessous du viaduc de Martigues et celui de Port-de-Bouc.
Ce dernier a d'ailleurs
rouvert, pour le bonheur des habitants et des visiteurs, début 2023 après
sa fermeture en 2017.
Une pêche saisonnière de complément
"Je viens d'Istres et je
ne connaissais pas du tout. Ça nous permet de découvrir cette technique de
pêche dans un esprit familial, et en plus c'est gratuit !",
note Jean-Luc, inspiré par ce moment au bord du canal. "On apprend sur
le mode de pêche et on sait où venir si on veut acheter de la poutargue",
ajoute Soraya, venue avec ses deux enfants, Camille et Noé, 7 ans.
La poutargue est fabriquée et
vendue directement dans le calen, auprès de Laurent Lopez et de son équipe,
"mais c'est loin d'être notre première source de revenu. On attrape
d'autres poissons qu'on vend directement auprès des grossistes,
explique-t-il. Ce n'est plus possible de ne vivre qu'avec la poutargue,
c'est un complément de la pêche en mer en hiver."
Une réalité qui s'explique en
partie par la diminution du nombre de muges dans le canal, "notamment
en raison de l'augmentation du taux de sel dans l'étang", estime Laurent Lopez. Et si
la poutargue locale se fait plus rare, la technique de pêche ancestrale perdure
par le travail de ces pêcheurs.
Visite
les mardis 13, 20, 27 août à 14 h 30. Gratuit. 04 42 06 27 28.
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