dimanche 11 août 2024

espèces marines invasives sur nos côtes

 

Des espèces marines invasives sur nos côtes



Poisson-lapin, poisson-lion, poisson-trompette, crabe bleu ou algues japonaises, ces espèces dites exotiques car importées par l’homme sur nos côtes, se révèlent aussi invasives avec des conséquences de taille sur l’écosystème et les activités humaines.

Un poisson herbivore qui dévore tout sur son passage, laissant la roche à nu, un autre qui se goinfre de juvéniles, un crabe qui élimine les autres crustacés et tout ça par la faute de l’homme...

Environ un millier d’espèces exotiques, en clair, arrivées sous l’effet d’activités humaines, ont été recensées en 2020 en Méditerranée, soit environ 1% de sa biodiversité, nous indique Sandrine Ruitton, membre de l’équipe Écologie marine et biodiversité (Embio) à l’Institut méditerranéen d’océanologie à Marseille. Mais toutes ne sont pas considérées comme invasives. Entendre dangereuses pour l’écosystème, la santé humaine ou les activités humaines, explique Charles-François Boudouresque, lui aussi scientifique à l’Embio. Seuls 10% d’entre elles ont un impact mais « posent un problème sérieux », poursuit ce dernier.

Parmi elles, il y a celle que l’on peut déjà voir en plongée sur notre littoral. On retiendra entre autres le poisson-trompette. « En moins de 10 ans », il « a très rapidement colonisé l’ensemble de la Méditerranée. On en a pêché à Marseille. Les pêcheurs nous ont alertés. Il pose un problème car c’est un prédateur vorace de juvéniles, un carnivore », témoigne Charles-François Boudouresque.

                                                    Ou le crabe bleu, venu d’Amérique du Nord, qui a déjà colonisé, au détriment des autres crustacés, l’étang de Berre et de Thau où on retrouve aussi majoritairement des algues japonaises, « 80% de la biomasse » précise Sandrine Ruitton. Car c’est une huître originaire du pays du soleil levant qui a été préférée à l’huître plate endémique après un épisode de forte mortalité, détaille la scientifique. L’aquaculture mais aussi l’ouverture du canal de Suez, « avec l’entrée massive d’espèces marines de mer Rouge », indique Charles-François Boudouresque font partie des vecteurs d’importation. « Un tiers du commerce maritime mondial passe aussi en Méditerranée, c’est énorme pour une toute petite mer. Les espèces introduites sont présentes sur la coque des bateaux ou transportées dans les eaux de ballast » ajoute le chercheur.

La chèvre des poissons

Il y a aussi les espèces qui ne vont pas tarder à arriver. Comme le kyphosus, une sorte de daurade, herbivore, présente dans le Sud de la Méditerranée, qui pourrait « devenir problématique », assure Sandrine Ruitton, le poisson-ballon à bande argentée, de la famille du fugu particulièrement venimeux, le poisson-lion, belle rascasse volante carnivore vorace qui vient de mer Rouge, commune à Chypre, Turquie, Grèce, en Tunisie, en Sicile, qu’il vaut mieux ne pas toucher non plus, sous peine d’hospitalisation assure Charles-François Boudouresque. Et puis le plus « inquiétant », selon lui :

 le poisson-lapin.

Lui aussi natif de la mer Rouge, longtemps cantonné à Israël, au Liban, à la Turquie, ou l’Égypte a déboulé en Grèce, en Tunisie. « On en déjà trouvé deux à Carry-le-Rouet qui se sont échoués sur la Côte Bleue », racontent les deux chercheurs. « C’est la chèvre des poissons. Dans toutes les régions où il est passé, c’est Attila. On peut comparer ça à un vol de criquets migrateurs. L’écosystème est ratiboisé », décrit Charles-François Boudouresque. Nos herbiers de posidonie pourraient aussi s’en trouver à terme décimés.

Si pour le moment, toutes les conditions ne sont pas réunies pour que ces charmantes bestioles s’installent, c’est l’affaire de « quelques décennies », assure Sandrine Ruitton. Ne nous reste-t-il donc plus qu’à attendre avant la catastrophe ?



« On ne peut faire », répondent nos scientifiques. D’abord parce que si la biologie des invasions est « un domaine très important », l’impact de la présence de ces espèces exotiques reste « difficile à prévoir » indique Charles-François Boudouresque. Côté législatif, le manque de contrôle des animaleries et des jardineries est patent, « de véritables lobbies » qui pèsent sur le ministère de l’environnement, dénonce ce dernier. « La France est une passoire à espèces, contrairement au Japon ou à l’Australie », abonde Sandrine Ruitton.

Parmi les quelques solutions tout de même évoquées, la pêche pour consommer ces poissons, à condition qu’ils représentent un intérêt gustatif ou encore le tourisme. « En Turquie, des clubs de plongée organisent des sorties très encadrées pour admirer le poisson-lion qui danse littéralement sous l’eau » rapporte Charles-François Boudouresque.

La prévention fait aussi partie des pistes. Pas question non plus de « jouer les apprentis sorciers » en introduisant des prédateurs car « en milieu marin, c’est difficile de contrôler ce que l’on fait. La théorie peut marcher en aquarium mais dans la pratique... », prévient Sandrine Ruitton qui tient également à nuancer : « La situation peut parfois sembler alarmante mais au final, un nouvel équilibre peut être trouvé, certes sur le long terme, mais nous essayons dans nos travaux de prendre du recul. »

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