Des
espèces marines invasives sur nos côtes
Poisson-lapin,
poisson-lion, poisson-trompette, crabe bleu ou algues japonaises, ces espèces
dites exotiques car importées par l’homme sur nos côtes, se révèlent aussi
invasives avec des conséquences de taille sur l’écosystème et les activités
humaines.
Environ un millier d’espèces
exotiques, en clair, arrivées sous l’effet d’activités humaines, ont été
recensées en 2020 en Méditerranée, soit environ 1% de sa biodiversité, nous
indique Sandrine Ruitton, membre de l’équipe Écologie marine et biodiversité
(Embio) à l’Institut méditerranéen d’océanologie à Marseille. Mais toutes ne
sont pas considérées comme invasives. Entendre dangereuses pour l’écosystème,
la santé humaine ou les activités humaines, explique Charles-François
Boudouresque, lui aussi scientifique à l’Embio. Seuls 10% d’entre elles ont un
impact mais « posent un problème sérieux », poursuit ce
dernier.
Parmi elles, il y a celle que
l’on peut déjà voir en plongée sur notre littoral. On retiendra entre autres le
poisson-trompette. « En moins de 10 ans », il « a très
rapidement colonisé l’ensemble de la Méditerranée. On en a pêché à Marseille.
Les pêcheurs nous ont alertés. Il pose un problème car c’est un prédateur
vorace de juvéniles, un carnivore », témoigne Charles-François Boudouresque.
La
chèvre des poissons
Il y a aussi les espèces qui ne vont pas
tarder à arriver. Comme le kyphosus, une sorte de daurade, herbivore, présente
dans le Sud de la Méditerranée, qui pourrait « devenir
problématique », assure Sandrine Ruitton, le poisson-ballon à bande
argentée, de la famille du fugu particulièrement venimeux, le poisson-lion,
belle rascasse volante carnivore vorace qui vient de mer Rouge, commune à
Chypre, Turquie, Grèce, en Tunisie, en Sicile, qu’il vaut mieux ne pas toucher
non plus, sous peine d’hospitalisation assure Charles-François Boudouresque. Et
puis le plus « inquiétant », selon lui :
le poisson-lapin.
Lui
aussi natif de la mer Rouge, longtemps cantonné à Israël, au Liban, à la
Turquie, ou l’Égypte a déboulé en Grèce, en Tunisie. « On en déjà
trouvé deux à Carry-le-Rouet qui se sont échoués sur la Côte Bleue »,
racontent les deux chercheurs. « C’est la chèvre des poissons. Dans
toutes les régions où il est passé, c’est Attila. On peut comparer ça à un vol
de criquets migrateurs. L’écosystème est ratiboisé », décrit
Charles-François Boudouresque. Nos herbiers de posidonie pourraient aussi s’en
trouver à terme décimés.
Si pour le moment, toutes les
conditions ne sont pas réunies pour que ces charmantes bestioles s’installent,
c’est l’affaire de « quelques décennies », assure Sandrine
Ruitton. Ne nous reste-t-il donc plus qu’à attendre avant la catastrophe ?
« On ne peut faire »,
répondent nos scientifiques. D’abord parce que si la biologie des invasions est
« un domaine très important », l’impact de la présence de ces
espèces exotiques reste « difficile à prévoir » indique
Charles-François Boudouresque. Côté législatif, le manque de contrôle des
animaleries et des jardineries est patent, « de véritables lobbies »
qui pèsent sur le ministère de l’environnement, dénonce ce dernier. « La
France est une passoire à espèces, contrairement au Japon ou à
l’Australie », abonde Sandrine Ruitton.
Parmi les quelques solutions
tout de même évoquées, la pêche pour consommer ces poissons, à condition qu’ils
représentent un intérêt gustatif ou encore le tourisme. « En Turquie,
des clubs de plongée organisent des sorties très encadrées pour admirer le
poisson-lion qui danse littéralement sous l’eau » rapporte
Charles-François Boudouresque.
La prévention fait aussi partie
des pistes. Pas question non plus de « jouer les apprentis sorciers »
en introduisant des prédateurs car « en milieu marin, c’est difficile
de contrôler ce que l’on fait. La théorie peut marcher en aquarium mais dans la
pratique... », prévient Sandrine Ruitton qui tient également à
nuancer : « La situation peut parfois sembler alarmante mais au
final, un nouvel équilibre peut être trouvé, certes sur le long terme, mais
nous essayons dans nos travaux de prendre du recul. »
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